« Nous savons qu'il existe un cinquième commandement qui nous interdit l'emploi de la force, sauf dans des cas précis qui ont été étudiés et définis par l'Église ; de même qu'il existe un deuxième et un huitième commandement qui interdisent à tous, singulièrement aux Chefs d'État, les faux serments, les mensonges destinés à abuser de la bonne foi de leurs concitoyens. Mais nous savons aussi qu'il existe un premier commandement, qui est le plus grand de tous, et qui nous commande la charité et la compassion envers nos frères dans le malheur. C'est pourquoi il a été de tout temps admis dans la chrétienté que, dans certaines conditions, un acte de force pouvait être un acte d'amour ; et c'est pourquoi selon l'enseignement traditionnel, peuvent être licites des actions de force dirigées contre ceux qui ont perdu le sens moral et le sens humain, et qui précipitent dans la désolation ceux qu'ils ont la charge de protéger et de défendre. Si l'action que nous avons menée, en accord avec les représentants de toutes les élites de la nation, avait réussi, l'une des premières conséquences escomptées eût été l'arrêt du génocide en Algérie. L'actuel Chef de l'État aurait pu arrêter ce génocide en donnant un seul ordre, qu'il n'a pas donné, et, à notre avis, il en portera à tout jamais la responsabilité. »
Lt-Col Bastien-Thiry
(Extrait de la "Déclaration" du 2 février 1963 - opuscule de 54 pages publié aux Editions du Fuseau)
Bastien-Thiry eut droit à un procès. D'autres non, qui disparurent malencontreusement et furent rayés d'une croix rouge dans les carnets de police. Vengeance en catimini d'un régime activant la pègre pour se défendre tant il était peu sûr de son droit et de l'Etat qu'il voulait capter. Le journaliste Pierre Châtelain-Tailhade (dit Jérôme Gauthier), anti-OAS notoire, décrit cette "honte rasante" dans le Canard Enchaîné de cette semaine-là :
« Bastien-Thiry a été fusillé le 11 mars, à l'aube, dans un tel luxe de clandestinité, que cela a ressemblé à de l'obstination : le brouillard de flics sur le parcours de Fresnes au Fort d'Ivry; les routes interdites, dans la nuit, à tout ce qui n'était pas le convoi funèbre ; les cordons de police autour du fort ; et le rappel fait ensuite à la presse, par le ministère des armées, de l'article 15 du code pénal, qui interdit toute autre publication que celle du procès-verbal officiel relativement aux exécutions capitales. Pourquoi tant de précautions ? La vraie pudeur est fière. C'est la honte qui rase les murs. Une certaine justice aussi, semble-t-il... De plus audacieux que moi croiront peut-être pouvoir en conclure qu'une justice qui tend un rideau de gendarmes entre le regard des consciences et ce qu'elle est en train de faire au pied du mur, y fait quelque chose de pas propre... Le lieutenant-colonel Bastien Thiry est mort, je ne dis pas pleuré, mais plaint par un très grand nombre de Français, même parmi ceux les plus farouchement hostiles à sa cause ».
[billet surgelé le 26 février 2013]