Quand je serai grand, j'irai vivre en Théorie, car en théorie tout se passe bien. Ce petit clin d'œil à mes amis du Temps des Series' pour vous dire par le détail le scepticisme qui m'anime à contempler l'avenir de la cause royaliste, rien qu'à voir les contours de la bulle mentale dans laquelle tournent les adeptes du canal historique. Si je ne me suis jamais rallié au Sens de l'Histoire avec mon seau et ma brosse à blanc 'OASVAINCRA', j'ai pu malgré tout comprendre qu'elle se déroulait selon un axe, celui du temps qui marque l'impermanence en toute chose. Cette révolution proprement cosmique désorganise le confort intellectuel et moral de tout sectateur d'une foi figée, elles le sont toutes. Ce n'est pas si grave ; il suffit de s'en passer et de choisir l'Evolution à la Création.
En politique, nier l'impermanence c'est du suicide. Vouloir agir au sein de la cité, épingle sur le globe tournant sur lui-même et autour du soleil, et plus encore pour un Bogdanoff, avec une grille de lecture des événements fabriquée deux siècles avant vous, puis suivre un mode de réactions, proclamé empirique qui plus est, dont la première caractéristique est son intangibilité, c'est sans doute présomptueux, pour ne pas aller jusqu'à dire "se foutre du monde", involontairement s'entend. La philosophie dans ses grands principes traverse les époques sans prendre l'eau, mais c'est la reine des sciences ; il n'en va pas de même de l'art de gouverner au jour le jour. C'est justement un art. Une école de science politique ne peut s'en échapper, sauf à devenir le cénacle de ratiocinations gratuites. J'en vois qui cillent, un exemple fera meilleur effet.
Nous savons tous la différence entre pays légal et pays réel. Chaque semaine nous dénonçons l'autisme du pouvoir central et sa malfaisance dans la poursuite d'une idéologie mortifère déjà bien vieillie. Le pays élu ignore le pays qu'il croit représenter, le pays réel. Quel est-il donc ce pays réel ? Chez les héritiers de la formule inventée par l'Action française, le pays réel est un territoire entre quatre mers, coupé de montagnes, fleuves et bois, parsemé de châteaux et de calvaires, où vivent les descendants des Gaulois, catholiques et français toujours. Très bien ! Chez nous, on y sonnait de la trompe en leggings le soir avant de rentrer pour la soupe. Je mets mon duffle-coat, ma toque kazakhe et je sors voir. Apparemment les casques ailés sont restés aux porte-manteaux, juste au dessus du cor de chasse, et pour faire court, on en voit de toutes les couleurs. Vous avez compris où je veux en venir. Non ? Non !
Sont nés chez nous des non-Gaulois. Beaucoup et tous les jours encore. Un nombre tel qu'il est proprement ridicule de zapper cette population (hétérogène en plus) dans tout schéma politique à aucun niveau. L'article étant gratuit en facture et lecture, je ne perds pas de temps à chercher des pourcentages pour faire "théseux".
Tous ces gens dont les racines familiales plongent dans les autres continents, entendent vivre ici et beaucoup d'entre eux veulent y réussir leur vie. A cet égard, le film d'Abd Al Malik, Qu'Allah bénisse la France, tiré de son roman autobiographique¹, est une provocation positive qui ne peut être jetée aux orties dans le cadre d'un refus généralisé de l'islam en France. Même s'il doit être contenu, idéalement confiné, l'islam est en France, certes bien loin du modèle de la haute époque comme nous l'a montré hier soir l'émission Des Racines et des ailes en Andalousie. Celui-ci en est-il une version dégénérée, un islam de contrebande ? je ne saurais juger mais Abd Al Malik, musulman élevé chez les curés comme Rachida Dati chez les bonnes soeurs, vit de son travail d'artiste après un cursus universitaire correct. Il nous dit vouloir gagner par lui-même sa place dans un espace social banal, non stigmatisé, ordinaire, pacifique, être comme tout le monde. Les royalistes, pour ne prendre qu'eux, vont-ils le repousser ? A quel motif ? Parce qu'ils ont lu Renaud Camus et sa théorie du Grand Remplacement ?
Qu'elle s'avère praticable ou fantasmée, il n'y aura pas de remigration, hélas. Celui qui a inventé le mot a cru trouver une solution. Ça ne reste qu'un mot. Le concept dérivé est impossible, infaisable. Du temps perdu à se rengorger d'une illusion supplémentaire. Allons-nous une fois encore, comme nos grands anciens, nier les réalités et persévérer dans un monde virtuel sans attaches concrètes dans les cerveaux citoyens ? Tout semble indiquer que les penseurs capables d'évolution ont déserté l'Ecole de Pensée au moment où nous devons nous réinventer pour contrer le déclin que tout le monde observe. Catéchisme de l'abstraction ou doxa d'un empirisme organisateur mal assimilé se disputent les méninges d'abonnés attirés par la simplification de constructions commodes, hors sol, qui tranchent tout au fil coupant d'une intelligence aiguisée certes, mais qui ne bâtissent rien en vrai ! Rien.
C'est François Huguenin qui le plus récemment, dans un ouvrage² resté fameux au sein du microcosme, a mis le doigt sur l'intemporalité cultivée par l'Action française. Il ne le dit pas comme ça mais comme un couvent de trappistes, elle est coupée des réalités du monde dont elle lit le quotidien derrière le prisme maurrassien. Cette analyse est un exercice intellectuel qui n'a jamais pu se traduire par aucune mesure spécifique concrète parce que l'aggiornamento fut de tout temps refusé, on dirait mieux : l'atterrissage ; sauf à archiver pour s'y référer à l'occasion mais jamais la faire évoluer ni en continuer l'invention, une oeuvre aussi considérable que celle de Pierre Boutang. Elle faisait trop d'ombre aux thuriféraires un peu justes du canal historique précisément. Ne soyons pas vache, mais le déroulé thèse-antithèse-foutaise a trop servi de facilité éditoriale.
Et pourtant Charles Maurras, immergé dans son propre foisonnement et bien plus lucide que ses présents admirateurs, récusait le "maurrassisme". S'il ne fut pas capable d'appréhender tout son environnement et se laissa couler dans la Révolution Nationale du Maréchal faisant la balance entre Londres et Vichy, il avait bien quelque part l'intuition d'une évolution dialectique possible ou nécessaire - ce serait faire injure à sa mémoire que d'en douter. Sut-il à la fin qu'il avait raté le virage de la guerre dès Munich ? Quand il crie au procès "c'est la revanche de Dreyfus", on sent bien qu'il y a une immense distance entre les enjeux du moment et son appréhension du monde réel, le besoin aussi de s'en arracher. Superbement intelligent, logicien inégalable, admiré de son vivant, adulé par les bataillons compacts des Camelots, il n'en restait pas moins homme, et à sa surdité s'est ajoutée une cécité sociale qui composait un autisme évolutif jusqu'à devenir une marque de fabrique. Qui se souvient du mot terrible de Bernanos parlant du vieux sourd solitaire !
Cet autisme (enfermement) se retrouve aujourd'hui dans le mode opératoire des chapelles royalistes qui fonctionnent souvent sur le mode opératoire des écoles coraniques (je charge un peu mais c'est par affection). Porter la contradiction dans des débats comme je m'y emploie depuis 2005, débats voulus publics pour faire de l'audience, afin de déclencher une prise de conscience dans des domaines moins patrouillés par les intellectuels, est vain. Il n'est pas innocent que la population active soit absente du mouvement. On entre étudiant à l'Action française, on en ressort marié et salarié, on y revient à la retraite. N'y passent leur "vie active" que les contemplatifs (universitaires, littérateurs, moines, petits rentiers et lève-tard). Les munitions visant à protéger la tranchée sont nombreuses et bien rangées, et les jumelles sont interdites, des fois qu'on apercevrait une bonne idée non conforme. Les organes de propagande sont conçus comme des moulins à prière. Le titre vous dit tout le reste. Il est significatif que le soulèvement magnifique du peuple de France en défense de la famille n'ait rien emprunté à l'Action française ou si peu, car elle n'avait produit aucun outil utile.
Dans la dispute démocratique actuelle, elle pilonne les travers du gouvernement comme le faisait le quotidien historique, à la réserve près que sa propagande ne passe plus par aucun medium de masse et que les critiques aussi justes soient-elles entrent faiblement en résonance de celles d'organes bien plus puissants qui la couvrent de leur bruit. La diffusion est étique et rien ne permet de croire que cette misère médiatique soit déclarée insupportable au sein du mouvement royaliste. On la déplore, on s'en contente, on donne des leçons à qui n'entendra jamais rien, faute de watts ! L'idée de commencer par un tour de table pour réunir des moyens d'investissement dignes de l'enjeu n'a jamais fait mouche. De l'argent ? Mais de qui ? Le modeste site du Million du Roi fut moqué, ce qui serait sans intérêt si une véritable agence d'information avait été créée entre-temps. Rien, nada, à chacun sa quête, sa conférence à cinquante et dix sous, il n'y en aura jamais assez avec des pièces jaunes, mais qu'on le taise. Les Assises du royalisme de 2011 qui devaient mettre à plat les dysfonctionnements, débusquer les impasses, voire sanctionner des objectifs furent rapportées au motif d'une charge trop lourde à porter par leurs (deux) organisateurs qui se gardèrent bien d'appeler les renforts !!! C'est dommage.
Mais le plus regrettable n'est pas ça. C'est une inclination à se choisir un "leader" hors les murs, laissant croire qu'il fait défaut au sein du mouvement. Malheur à qui osera critiquer alors le Monk du jour ! Sans remonter à Charles De Gaulle qui s'est bien amusé à jouer des ficelles du marionnettiste avec qui vous savez, je citerai dans le désordre des "républicains" acharnés comme Paul-Marie Coûteaux (CERES), Jean-Pierre Chevènement (CERES), Nicolas Dupont-Aignan (parti personnel), Marine Le Pen (parti personnel) voire Vladimir Poutine (Csar adaptable) et le dernier arrivé, Eric Zemmour (polémiste gaulliste radiophonique). Prenons le dernier cité. Sa compilation du déclin français³ va faire un demi million d'exemplaires vendus (il est là le million du roi :). Ce travail aurait pu être produit et certainement bien mieux rédigé par les gens de la Croix des Petits Champs - les cent premières pages sont un supplice d'attention qui laisse accroire que beaucoup de lecteurs s'arrêtent là. Mais l'ouvrage AF correspondant et facilement meilleur ne ferait, lui, aucun score. Pourquoi ? Parce que Zemmour fait une carrière "dans" l'Opinion depuis dix ans au moins. Il est sorti du trou et se bat sur tous les fronts avec un vrai talent de débatteur, ne manque aucun plateau, se rend indispensable aux producteurs d'émissions ; pour résumer, il mouille la chemise du matin au soir et n'hésite pas à faire de la téléréalité comme lorsqu'il est opposé à Nicolas Domenach. Son alter ego d'Action française n'est pas en capacité de se battre tous azimuts, non par défaut de pugnacité ou de courage mais parce qu'il s'enchaîne lui-même dans une problématique bornée de tabous et écrase sa démonstration d'un "sans le roi point de salut", conclusion qui gagnerait à être rare et soigneusement démontrée au cas par cas, avec une rhétorique moderne (comme s'y emploie confidentiellement mais avec bonheur Jean-Philippe Chauvin). Zemmour convertit en masse, nous ne convertissons pas. Le noyau n'augmente pas, à croire qu'il a pour jumeau un trou noir. A-t-on cherché pourquoi au fond du tonneau vide ?
A cause de ce syndrome de suppléance - à défaut d'entre entendus, prenons les porte-voix disponibles sur le marché politique - ne vous avisez pas de critiquer vous-mêmes ces phares de la pensée qui éclairent le chemin à prendre, balisé de vessies, il vous en cuirait. D'aucun se fit claquer le bec pour avoir osé parler après le député Coûteaux dans une réunion royaliste ; moi-même, plus modestement et sans dommage collatéral évidemment, fus-je sommé de m'amender sur ma critique contre Zemmour par le site marseillais de pensée automatique de La Faute à Rousseau ; après d'ailleurs avoir commis plus tôt dans l'année un billet contre Poutine qui a provoqué la démission du rédacteur en chef, trop sensible à l'ouverture d'angle selon son Conseil. Bien sûr, ces aliens de rencontre sont toujours une aubaine pour les cadres du mouvement. Ils amassent en formules faciles tout ce dont vous avez besoin pour penser droit et que l'océan de textes de la Vieille Maison ne pourra jamais vous révéler à moins d'être de la trempe d'un Tony Kunter. Pourquoi se défoncer à compulser la montagne AF et réfléchir parfois douloureusement si vous lisez du Maurras original, quand le prêt-à-penser est à portée de clic ? Et puis, faire faire plutôt que faire n'est pas un délit, non ?... sauf de paresse. Les journalistes d'avant-guerre doivent se retourner dans leur tombe à lire tous ces "invités étrangers" dans nos colonnes quand jadis ils pensaient par eux-mêmes et faisaient, eux, référence !
Pour conclure, sauf à se donner des moyens considérables pour suivre le train de la propagande médiatique, le vivre petit des dispositifs actuels de diffusion de la pensée royaliste, conjugué à l'entre-soi réducteur du brassage d'idées en vase clos, contribue à notre effacement de la scène politique où tout finalement se joue.
Mais croit-on réellement pouvoir changer quelque chose au monde très imparfait dans lequel nous tâchons de survivre ? Non !
En politique, nier l'impermanence c'est du suicide. Vouloir agir au sein de la cité, épingle sur le globe tournant sur lui-même et autour du soleil, et plus encore pour un Bogdanoff, avec une grille de lecture des événements fabriquée deux siècles avant vous, puis suivre un mode de réactions, proclamé empirique qui plus est, dont la première caractéristique est son intangibilité, c'est sans doute présomptueux, pour ne pas aller jusqu'à dire "se foutre du monde", involontairement s'entend. La philosophie dans ses grands principes traverse les époques sans prendre l'eau, mais c'est la reine des sciences ; il n'en va pas de même de l'art de gouverner au jour le jour. C'est justement un art. Une école de science politique ne peut s'en échapper, sauf à devenir le cénacle de ratiocinations gratuites. J'en vois qui cillent, un exemple fera meilleur effet.
Nous savons tous la différence entre pays légal et pays réel. Chaque semaine nous dénonçons l'autisme du pouvoir central et sa malfaisance dans la poursuite d'une idéologie mortifère déjà bien vieillie. Le pays élu ignore le pays qu'il croit représenter, le pays réel. Quel est-il donc ce pays réel ? Chez les héritiers de la formule inventée par l'Action française, le pays réel est un territoire entre quatre mers, coupé de montagnes, fleuves et bois, parsemé de châteaux et de calvaires, où vivent les descendants des Gaulois, catholiques et français toujours. Très bien ! Chez nous, on y sonnait de la trompe en leggings le soir avant de rentrer pour la soupe. Je mets mon duffle-coat, ma toque kazakhe et je sors voir. Apparemment les casques ailés sont restés aux porte-manteaux, juste au dessus du cor de chasse, et pour faire court, on en voit de toutes les couleurs. Vous avez compris où je veux en venir. Non ? Non !
Sont nés chez nous des non-Gaulois. Beaucoup et tous les jours encore. Un nombre tel qu'il est proprement ridicule de zapper cette population (hétérogène en plus) dans tout schéma politique à aucun niveau. L'article étant gratuit en facture et lecture, je ne perds pas de temps à chercher des pourcentages pour faire "théseux".
- Abd Al Malik - |
Qu'elle s'avère praticable ou fantasmée, il n'y aura pas de remigration, hélas. Celui qui a inventé le mot a cru trouver une solution. Ça ne reste qu'un mot. Le concept dérivé est impossible, infaisable. Du temps perdu à se rengorger d'une illusion supplémentaire. Allons-nous une fois encore, comme nos grands anciens, nier les réalités et persévérer dans un monde virtuel sans attaches concrètes dans les cerveaux citoyens ? Tout semble indiquer que les penseurs capables d'évolution ont déserté l'Ecole de Pensée au moment où nous devons nous réinventer pour contrer le déclin que tout le monde observe. Catéchisme de l'abstraction ou doxa d'un empirisme organisateur mal assimilé se disputent les méninges d'abonnés attirés par la simplification de constructions commodes, hors sol, qui tranchent tout au fil coupant d'une intelligence aiguisée certes, mais qui ne bâtissent rien en vrai ! Rien.
C'est François Huguenin qui le plus récemment, dans un ouvrage² resté fameux au sein du microcosme, a mis le doigt sur l'intemporalité cultivée par l'Action française. Il ne le dit pas comme ça mais comme un couvent de trappistes, elle est coupée des réalités du monde dont elle lit le quotidien derrière le prisme maurrassien. Cette analyse est un exercice intellectuel qui n'a jamais pu se traduire par aucune mesure spécifique concrète parce que l'aggiornamento fut de tout temps refusé, on dirait mieux : l'atterrissage ; sauf à archiver pour s'y référer à l'occasion mais jamais la faire évoluer ni en continuer l'invention, une oeuvre aussi considérable que celle de Pierre Boutang. Elle faisait trop d'ombre aux thuriféraires un peu justes du canal historique précisément. Ne soyons pas vache, mais le déroulé thèse-antithèse-foutaise a trop servi de facilité éditoriale.
- François Huguenin - |
Cet autisme (enfermement) se retrouve aujourd'hui dans le mode opératoire des chapelles royalistes qui fonctionnent souvent sur le mode opératoire des écoles coraniques (je charge un peu mais c'est par affection). Porter la contradiction dans des débats comme je m'y emploie depuis 2005, débats voulus publics pour faire de l'audience, afin de déclencher une prise de conscience dans des domaines moins patrouillés par les intellectuels, est vain. Il n'est pas innocent que la population active soit absente du mouvement. On entre étudiant à l'Action française, on en ressort marié et salarié, on y revient à la retraite. N'y passent leur "vie active" que les contemplatifs (universitaires, littérateurs, moines, petits rentiers et lève-tard). Les munitions visant à protéger la tranchée sont nombreuses et bien rangées, et les jumelles sont interdites, des fois qu'on apercevrait une bonne idée non conforme. Les organes de propagande sont conçus comme des moulins à prière. Le titre vous dit tout le reste. Il est significatif que le soulèvement magnifique du peuple de France en défense de la famille n'ait rien emprunté à l'Action française ou si peu, car elle n'avait produit aucun outil utile.
Dans la dispute démocratique actuelle, elle pilonne les travers du gouvernement comme le faisait le quotidien historique, à la réserve près que sa propagande ne passe plus par aucun medium de masse et que les critiques aussi justes soient-elles entrent faiblement en résonance de celles d'organes bien plus puissants qui la couvrent de leur bruit. La diffusion est étique et rien ne permet de croire que cette misère médiatique soit déclarée insupportable au sein du mouvement royaliste. On la déplore, on s'en contente, on donne des leçons à qui n'entendra jamais rien, faute de watts ! L'idée de commencer par un tour de table pour réunir des moyens d'investissement dignes de l'enjeu n'a jamais fait mouche. De l'argent ? Mais de qui ? Le modeste site du Million du Roi fut moqué, ce qui serait sans intérêt si une véritable agence d'information avait été créée entre-temps. Rien, nada, à chacun sa quête, sa conférence à cinquante et dix sous, il n'y en aura jamais assez avec des pièces jaunes, mais qu'on le taise. Les Assises du royalisme de 2011 qui devaient mettre à plat les dysfonctionnements, débusquer les impasses, voire sanctionner des objectifs furent rapportées au motif d'une charge trop lourde à porter par leurs (deux) organisateurs qui se gardèrent bien d'appeler les renforts !!! C'est dommage.
- Eric Zemmour - |
A cause de ce syndrome de suppléance - à défaut d'entre entendus, prenons les porte-voix disponibles sur le marché politique - ne vous avisez pas de critiquer vous-mêmes ces phares de la pensée qui éclairent le chemin à prendre, balisé de vessies, il vous en cuirait. D'aucun se fit claquer le bec pour avoir osé parler après le député Coûteaux dans une réunion royaliste ; moi-même, plus modestement et sans dommage collatéral évidemment, fus-je sommé de m'amender sur ma critique contre Zemmour par le site marseillais de pensée automatique de La Faute à Rousseau ; après d'ailleurs avoir commis plus tôt dans l'année un billet contre Poutine qui a provoqué la démission du rédacteur en chef, trop sensible à l'ouverture d'angle selon son Conseil. Bien sûr, ces aliens de rencontre sont toujours une aubaine pour les cadres du mouvement. Ils amassent en formules faciles tout ce dont vous avez besoin pour penser droit et que l'océan de textes de la Vieille Maison ne pourra jamais vous révéler à moins d'être de la trempe d'un Tony Kunter. Pourquoi se défoncer à compulser la montagne AF et réfléchir parfois douloureusement si vous lisez du Maurras original, quand le prêt-à-penser est à portée de clic ? Et puis, faire faire plutôt que faire n'est pas un délit, non ?... sauf de paresse. Les journalistes d'avant-guerre doivent se retourner dans leur tombe à lire tous ces "invités étrangers" dans nos colonnes quand jadis ils pensaient par eux-mêmes et faisaient, eux, référence !
Pour conclure, sauf à se donner des moyens considérables pour suivre le train de la propagande médiatique, le vivre petit des dispositifs actuels de diffusion de la pensée royaliste, conjugué à l'entre-soi réducteur du brassage d'idées en vase clos, contribue à notre effacement de la scène politique où tout finalement se joue.
Mais croit-on réellement pouvoir changer quelque chose au monde très imparfait dans lequel nous tâchons de survivre ? Non !
Et c'est bien là toute notre force !
(1) Qu'Allah bénisse la France, Albin Michel 2004, 2014
(2) Une enquête intellectuelle et morale : L'Action française, Editions Perrin 2011
(3) Le Suicide français - Quarante années qui ont détruit la France, Albin Michel 2014