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Le régime contre la nation

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Ainsi les startuppers se rebiffent comme le cave d'Albert Simonin. Comme c'est bizarre, mon cher cousin ! Les créateurs d'entreprises s'apercevraient-ils enfin - ils en ont mis du temps - que notre petite Union soviétique qui avait réussi (dixit Váçlav Havel) ne pourrait laisser longtemps grandir notre économie sans l'administrer. Les doigts gourds de la bureaucrassie veulent régler les fins rouages de l'innovation qu'ils ne sauront jamais comprendre. Ce serait comme demander à un maçon de changer un rubis dans mon Eternamatic. La République n'avait pas besoin de savants, elle n'a pas plus besoin de "GeonPis" ! Les fonctionnaires ne savent rien et feront tout !

Le refus tactique électoral du pouvoir de réduire l'Etat (au sens large) accroît la brèche entre le secteur productif de valeur ajoutée et le secteur improductif de commandement et services qui la consomme. Quarante-six pour cent de la richesse produite dans ce pays est remise au second, qui dans tous les compartiments du jeu est pléthorique et insuffisant. Mais il gouverne. Le cabinet Ayrault est vierge de tout représentant du secteur productif, aucun entrepreneur, aucun risqueur. L'Assemblée nationale est bourrée d'agents publics puisque 55% émargeaient au budget de l'Etat ou des collectivités publiques, et vous voudriez réformer ce secteur ? Nous n'entrerons pas dans le spectre socio-professionnel de l'hémicycle mais s'il y a une seule étudiante, un seul architecte, un artisan, une assistante sociale, un salarié agricole et deux sages-femmes sur 577 possibilités, il n'y a plus d'ouvrier et pas plus de commerçant. Autant dire que la nation est représentée partout ailleurs sauf là ! l'Assemblée vibre sur sa propre fréquence qui n'est pas celle du pays. C'est le meilleur argument pour se défaire du parlementarisme.

Deux mondes s'observent avant de se haïr. D'un côté une bourgeoisie qui ressemble furieusement à la nomenklatura moscovite d'antan, ayant mis en culture la société à son propre avantage et qui sait se protéger, même physiquement ; de l'autre, une masse de travailleurs et de rentiers tardifs aux aguets qui ne voient rien d'avenir, n'ont aucune prise sur les évènements, sont entourés d'assistés, reçoivent quotidiennement sur leurs téléviseurs la déliquescence générale de l'ordre ancien, le choc des émeutes dans l'eurozone latine, et comme le chien de prairie ayant perdu son trou, courent de ci de là en espérant se cacher de la Sainte Inquisition fiscale. Il faudra observer les chiffres de ventes de voitures blindées pour juger de l'aggravation de cette fracture et du sentiment d'insécurité qu'elle inspire aux fumeurs de havanes.

Puisqu'on parle de blindage, l'affaire de Florange est significative de cette incompréhension réciproque, à torts partagés. On va faire un peu de technique :
Le site de Florange est intégré. On entre du charbon et du fer d'un côté, on sort des bobines de tole et des canettes de l'autre. Mittal arrête seulement une partie du site, celui de la coulée à chaud. Bercy a 60 jours pour présenter à Mittal un acheteur du process ; le prix de cession sera négocié avec le repreneur présenté par M. Montebourg ! Mais quel industriel peut vendre à son conseil d'administration l'achat d'une coulée à chaud, avec deux vieux hauts fourneaux, dont le client de cette production contrôlerait le train de laminage des brames en aval ? Qui ferait le prix à qui ? Il faut être un grand dépendeur d'andouilles pour y croire. En l'état, Mittal garderait la cokerie pour approvisionner ses trois hauts fourneaux de Dunkerque qui lui retourneront des brames pour le train à chaud et laminoir de Florange. S'il cède la cokerie, à quel prix achèterait-il ce coke pour Dunkerque ? Il mettrait évidemment ces brames en concurrence avec celles que le repreneur de la coulée à chaud distraira de ses ventes, repreneur qui cherchera raisonnablement à récupérer un peu des six ou sept cents millions d'euros que lui aura coûté la mise à niveau de son achat...
Ce repreneur aura-t-il un marché plus large que le train Mittal de Florange qui lui permettra de couler en continu ? Mittal se sent fort parce que sa démonstration tient au plan strictement économique. Les chiffres sont têtus. Mais un retournement de conjoncture relancerait la Lorraine... quand elle n'aurait plus d'appareil de production pour y répondre. C'est la porte ouverte qu'enfonce le ministère Montebourg. Mais qu'y peuvent comprendre des fonctionnaires pour aller au bout de la solution ? Ceux de M. Sarkozy se sont lamentablement plantés sur Gandrange. Ceux de M. Hollande seraient-ils meilleurs sur Florange ? A l'épreuve des réalités, les dogmes livresques sont de nul secours.

Les ouvriers sidérurgistes viennent d'assimiler que leur salut, auquel ils font encore semblant de croire, ne peut pas venir d'un cabinet de brêles qui n'ont jamais bossé. Seule la pratique vaut. A les entendre, ils demandent des solutions techniques fondées sur leurs certitudes techniques et pas des cataplasmes idéologiques même si l'on a crié "nationalisation" dans les cortèges. Or le pouvoir politique, qui n'a eu de cesse en France de mettre ses doigts dans l'industrie, avance sous les feux de la rampe à grand renfort de proclamations, pour s'avérer incompétent à la fin. La seule solution, brandie par toute la caste politico-médiatique en toute connivence, est infertile. Donc cette caste est inutile, gavée, prédatrice, etc... On ne fait pas mieux pour relancer l'Anarchie.
La nation et le régime ne parlent plus la même langue.


Postscriptum : Une autre façon de dire la même chose (où l'on parle aussi de la révocation de l'Edit de Nantes (clic) :
« Esprit d'entreprise : Hollande m'a tuer !»



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