«Ceux des particuliers qui deviennent princes seulement par les faveurs de la fortune ont peu de peine à réussir, mais infiniment à se maintenir» (Machiavel).
On pourrait en dire autant par les faveurs des Lois fondamentales. La prolifération des recherches sérieuses ou moins sérieuses, mystiques ou historiques qui cernent le roi caché, survivant, souterrain, d'au-delà des mers, n'est pas qu'une distraction romanesque. Elle signale une insatisfaction née de l'examen de l'élu désigné. Il ne satisfait pas les attentes de certains, attentes qui ne convergent pas toujours. Aussi cherche-t-on ci et là le chemin d'esquive qui permet d'échapper à cette "obligation" décevante. C'est le fil rouge de ce billet.
On pourrait en dire autant par les faveurs des Lois fondamentales. La prolifération des recherches sérieuses ou moins sérieuses, mystiques ou historiques qui cernent le roi caché, survivant, souterrain, d'au-delà des mers, n'est pas qu'une distraction romanesque. Elle signale une insatisfaction née de l'examen de l'élu désigné. Il ne satisfait pas les attentes de certains, attentes qui ne convergent pas toujours. Aussi cherche-t-on ci et là le chemin d'esquive qui permet d'échapper à cette "obligation" décevante. C'est le fil rouge de ce billet.
Baudouin IV d'Anjou |
Nous avons coutume de révérer des personnes descendant de personnages illustres au seul motif de leur hérédité. C'est pure courtoisie. Nous ne devrions abaisser nos drapeaux que vers le mérite personnel, bien qu'il soit autrement possible de combler d'affection quelqu'un que nous jugerions imparfait mais sympathique. Encenser la fonction est autre chose dont nous parlerons une autre fois. Mais il ressortirait à l'erreur politique que de confier notre destin à quelqu'un "par courtoisie".
Sa spécialité : l'exception
C'est la Morale qui prime dans ce que nous cherchons à reconnaître chez un prince et non pas les quartiers de noblesse, ni les diplômes s'il en a, ni son allure avantageuse ou la carnation de sa peau si c'est une princesse. Morale qu'il doit savoir appréhender à distance de lui-même s'il est capable du détachement critique par rapport à son propre emploi afin de voir clairement les améliorations exigées de lui pour emplir le contrat ; et tout à la fois, ce qui n'est pas mince, une résilience peu commune aux influences de tous ordres qui le détourneraient de son exceptionalité.
Car le prince est spécial, obligé de "monter" en permanence pour rester au-dessus du lot ; c'est la seule condamnation attachée à sa condition. L'en distraire serait criminel. Fusillons déjà les courtisans.
Se satisfaire comme beaucoup d'une position sociale décorative au milieu de ses adulateurs aboutit à laisser vieillir un caractère inconséquent qu'il serait bien imprudent d'appeler à notre secours un jour, plus tard, bientôt ? Jamais ! Nous n'imposerons jamais personne qui ne s'impose de lui-même. Que dans les salons royalistes on le dise aux casuistes épilés qui se crèvent les yeux sur les Lois !
A partir de là, l'abonné à Royal-Artillerie attend que nous descendions la galerie de portraits accrochés dans le grand escalier capétien. Il n'en sera rien. Notre but n'est que de réfléchir à ce qu'ILS ont de différent qui les place en situation d'accueillir notre propre abandon en leurs mains.
Revenons à l'âme.
En plus de sa vie terrestre et de son destin chevauché de père en fils depuis la nuit des mondes, l'âme du prince est responsable d'une tâche qui n'échoit pas au vulgum pecus. Elle n'habite plus chez un homme mais chez un demi-dieu de l'étage inférieur, subordonné au démiurge qui a conçu l'architecture de ce monde et qui lui demande de le continuer. Si elle le rend vigilant, habité par sa mission, ce monde sera "sauvé" et lui sera déclaré "parfait". C'était l'idée d'Epictète, la vertu totale. Peu sont élus pour affronter le risque d'écrasement de leur individualité par une vie authentiquement divine et les Lois qui les désignent, désignent autant nos problèmes que leurs solutions s'il y a un grand écart entre le proposé légal et le prototype car il ne s'agit que d'appeler à notre secours un rédempteur de la Nation. C'est pour nous, nation, que nous agissons ! "Demi-dieu", "parfait", on comprend déjà que nous nous sommes déjà bien éloignés du vulgaire. Quels sont donc ces caractères spécifiques au prince accédant ? Ou à l'inverse que se passe-t-il s'ils n'existent pas ?
Ah, ces inconvénients !
Le pire défaut est l'indécision qui chez un chef est grave en ce qu'il entame l'essence même de sa fonction. Nous avons sous les yeux l'exemple vivant d'une procrastination quasi-pathologique où les décisions ne sont prises que pour s'en débarrasser. Mais jadis des princes très savants mais pusillanimes en ont perdu la tête aussi.
S'il n'en est pas d'imbécile, il en est parfois de moins instruit. Ce défaut allié à un fort tempérament est palliable par un rattrapage des connaissances utiles à sa charge. Si au contraire il accompagne une nonchalance intellectuelle voir un déplaisir à l'étude, le prince en défaut réunira autour de lui des compétences éprouvées pour assumer son gouvernement du pays, compétences qui le transformeront très rapidement en poupée de balcon. L'avantage de la monarchie disparaîtra au bénéfice de l'oligarchie et retour à la case départ. Aussi sympathique fut-il, le cancre est à bannir.
On ne peut non plus laisser passer le désordre des mœurs en ce qu'il interdit ensuite l'invocation de l'exemple. Si un politicien en contrat à durée déterminée est un spécialiste reconnu de la gouvernance mais un dépravé pour ce qui concerne sa vie intime, la logique politique prendra le pas sur la morale pour le conforter dans sa position utile au pays, mais il ne pourra jamais lors d'événements graves se revendiquer comme l'exemple à suivre. En revanche, un prince en situation de pouvoir doit rester en capacité d'exemple. Ceux qui n'y parviennent pas - et on en voit souvent - abondent au tonneau de leur propre mépris, sauf à bénéficier de l'indulgence populaire qui s'attache au prestige de la fonction par l'affect naturel des peuples à l'endroit de leurs chefs.
Sans viser quiconque, celui des princes qui ne supporterait pas les contraintes et misères quotidiennes de la vie commune pourrait difficilement nous faire accroire qu'il résisterait mieux que d'autres au malheur d'être roi comme le disait Louis XVI dans le testament à son fils.
Quels sont donc maintenant ces caractères spécifiques au prince accédant ?
Louis XVII |
Si l'on en vient au tempérament, à supposer qu'on me le demande, ce qui n'arrivera jamais, je préférerais un tempérament stoïcien qui gouverne les émotions et protège le jugement. J'ai retrouvé quelques définitions qui illustrent bien mon souci. Appliquer ses pensées à trier les choses entre celles qui dépendent de nous et toutes celles qui n'en dépendent pas. Les premières sont notre œuvre et de notre responsabilité ; les autres seront au mieux leurs ancillaires. Cette sérénité dans la connaissance de son pouvoir réel est un gage de sage gouvernance en ce qu'elle bride dès le départ l'intrusion étatique dans la sphère privée et dégoûte des lettres de cachet qu'on appelle aujourd'hui autrement. Parce que le premier rempart de la liberté individuelle ce doit être justement le roi, quand la marche du monde cherche tous les jours un peu plus à la fracasser.
Séparation des pouvoirs
En délimitant le royaume, l'Etat, et le domaine qu'il incarne dans ce royaume, le prince jugera des choses qui lui incombent selon la Raison, se protégeant d'une sensibilité trompeuse qui obscurcirait son jugement et le laisserait sur- ou sous-estimer les mouvements d'opinion qui sont l'expression moderne de la démocratie corrompue quand elle cherche à contrôler les émois populaires. Rester au-dessus de la mêlée et garder la tête froide est facile au début du match, s'y maintenir est plus difficile, surtout si le peuple appelle au secours. Aller plus loin que compatir est déjà choisir, trier dans les politiques publiques et enfreindre le principe du peuple souverain en ses Etats. Ce dilemme de non-pénétration des domaines régaliens et publics convoque beaucoup de pédagogie pour faire accepter les responsabilités réciproques quand "ça va mal". Une nation ne peut tout attendre d'en-haut, sauf celle des veaux ! La reine d'Angleterre, dans son minuscule domaine réservé, y arrive très bien, qui influence mais en sous-main quand elle le souhaite. Nous apprîmes avec stupeur qu'elle et le prince de Galles avait usé plusieurs fois d'une sorte de droit de veto sur des projets législatifs du 10-Downing Street ! Ouvaton si Windsor fait plus que régner ?
On pourrait dire encore qu'une des qualités primordiales de l'état princier est le discernement de ses décisions par la hiérarchie des valeurs qu'ils activent au sein du domaine dédié. Tout ne se vaut pas, mais saisir les écarts d'importance demande une longue éducation dans la charge. La capacité à trancher par l'outil de la raison est primordiale et ô combien difficile qu'on puisse entendre la laisser entre des mains formées à ce défi quotidien. Ce n'est presque plus un acquis, peut-être faut-il ressentir ces choses d'instinct. Cela participe de l'inné des familles régnantes.
Autre caractère spécifique, l'affect : un auteur maudit soutenait que "c'est un des avantages insignes de la monarchie que les meilleurs sentiments du peuple peuvent s'y fixer et s'y concentrer sur la personne royale, tandis qu'autrement ils resteraient épars, vains et nuls " (Abel Bonnard dans l'éloge du feu roi des Belges Albert Ier). Faut-il quand même que le prince en charge aimante assez puissamment l'affect populaire pour qu'il précipite sur sa personne jusqu'à produire cette coagulation du "meilleur" de la nation dont nous n'avons pas aujourd'hui de reste ! Mais en général "ça le fait", à voir les tirages de la presse royale et le succès de sites méritants comme Noblesse & Royautés.
De par l'aura attachée à sa qualité de roi, surnaturelle s'il est un jour sacré, un prince vient de la fabrique des héros. Destin colossal à mille lieux du marquis parvenu, il doit le montrer continûment. C'est pour le coup un chevalier, un chevalier au premier coup d'œil. L'immense prestige de la vertu s'il choisit de s'y abandonner, pourra suggérer ensuite que son droit a quelque chose de "plus-qu'humain", divin peut-être... et le tour sera joué. Il n'est aucune place en France pour un roi bourgeois !
Essai de conclusion - les Lois :
le petit Lord Fauntleroy |
Une hypothèse utile au débat serait de convenir que les deux premiers titulaires successifs soient de haut niveau intellectuel et moral pour prendre à bras le corps l'exécutif de la fonction afin d'assumer rapidement leur autorité "en leurs conseils", d'écraser dans l'œuf et les tentatives souterraines de subversion, et la logique négative de leurs détracteurs. La propagande des pourrisseurs professionnels peut être redoutable surtout sur un peuple dérouté, influençable, pour partie abruti par de pseudo-valeurs simplistes, ressassées par la classe médiatico-politique, qui ne sont que celles de maintenir l'oligarchie régnante. Tous les régimes du XIX° siècle ont péri de leurs attaques. C'est dans ce but que l'ensemencement du champ de l'Opinion à l'idée du roi doit être élargi, augmenté, vaste, jusqu'à ce fameux "pourquoi pas" qui nous réjouirait tous, mais dont nous sommes apparemment loin.
Attendons des princes en vue ou cachés qu'ils élèvent pour y répondre leurs enfants dans ce programme d'exception. A défaut nous verrons !
Tout ceci est spéculation gratuite, nous n'y avons aucun intérêt. Comme écrivait en haut du tableau noir mon vieux professeur de physique et chimie : « Nous sommes censés savoir que... »
Merci de votre attention, vous pouvez fumer.
Oui ? Un Nom ?
Baudouin IV de Jérusalem pour son courage surhumain.
Baudouin de Belgique pour son impeccable dignité.
Charlie-Martel |
(*) in Platon quelque part
PS : l'iconographie de cet article est délibérément "fraîche" car sa lecture est destinée d'abord à nos jeunes lecteurs, ceux qui vraisemblablement auront à "choisir" demain