C'est devant une tasse de Da Hong Pao fumant rapporté du Foukien que je livre ces réflexions sur les élections régionales, aujourd'hui dimanche, à l'aube de la grande supercherie. Quels que soient au second tour les scores des parties prenantes (à la gorge), une fois encore, les députés désignés par les urnes ne représenteront pas le prétendu "souverain" peuple. En cause, la manipulation génétique des scrutins sous la V° République et même avant. Rappelez-vous les référendums gaulliens qui posaient deux questions. Le dernier de la série est un morceau d'anthologie puisqu'en 1969 il en posait trois : régionalisation, réforme(suppression) du Sénat et démission du chef de l'Etat ; mais on avait oublié le téléphone pour tous ! Aussi fut-il perdu par un pouvoir à court d'idées. Par la suite, François Mitterrand à qui on reprochait ses modifications répétées déclara que le seul mode légitime de scrutin était celui qui le faisait gagner.
Les peuples mûrs pour la démocratie se contentent de scrutins uniques à la proportionnelle. Le mode le plus simple photographie l'Opinion à un moment T et envoie dans les hémicycles l'image correspondante. La responsabilité de former un exécutif capable de gouverner est dans les mains des élus - je ne parle pas de classe politique puisque les pays matures ne reconnaissent pas la profession politique en viager. Au lieu de quoi, la France trafique ses modes de scrutin pour coller le plus possible aux intérêts des familles politiques inamovibles aux affaires et en affaires. La vérité de la représentation est le cadet de leurs soucis ! Il est rare qu'un intrus brise le cercle de chariots de l'establishment. C'est bien le cas cette fois avec le Front mariniste, les Apaches ont percé et mettent le souk dans tout le camp !
- une souris blanche - |
Le mode de scrutin des élections régionales en France a connu une seule évolution majeure depuis 1986, à savoir son organisation en 2004 :
- Il est ajouté au scrutin proportionnel la possibilité d'un second tour si aucune liste n'obtient la majorité absolue : il convient d'obtenir plus de 10% des suffrages exprimés pour y participer ou plus de 5% des suffrages exprimés pour fusionner une liste avec une autre présente au second tour.
- Une prime majoritaire est attribuée à la liste ayant obtenue la majorité absolue des suffrages au premier tour sinon au premier arrivé du second, à savoir 25% des sièges.
- C'est désormais la région et non plus le département qui conduit une liste mais, afin de permettre aux électeurs d'identifier plus facilement les candidats de leur département, des sections départementales sont créés. Chaque liste doit comporter autant d'hommes que de femmes (ah bon).
- Il est ajouté au scrutin proportionnel la possibilité d'un second tour si aucune liste n'obtient la majorité absolue : il convient d'obtenir plus de 10% des suffrages exprimés pour y participer ou plus de 5% des suffrages exprimés pour fusionner une liste avec une autre présente au second tour.
- Une prime majoritaire est attribuée à la liste ayant obtenue la majorité absolue des suffrages au premier tour sinon au premier arrivé du second, à savoir 25% des sièges.
- C'est désormais la région et non plus le département qui conduit une liste mais, afin de permettre aux électeurs d'identifier plus facilement les candidats de leur département, des sections départementales sont créés. Chaque liste doit comporter autant d'hommes que de femmes (ah bon).
rouge = FDG | rose = PS | bleu = LR-MODEM | bleu marine = FN | vert = EELV | jaune = Régional. |
En étudiant soigneusement le dispositif électoral, tout électeur peut comprendre plus ou moins vite comment s'exprimera son vote, mais peut aussi s'agacer des complications et ne pas sortir voter ! Un sur deux n'est pas intéressé aujourd'hui à comprendre les lois du cirque. Le peuple est réellement dépossédé de sa prétendue souveraineté en ce que son opinion est refabriquée dans le tube des élections, voire mise à la poubelle si la liste de son choix se retire volontairement. Allez comprendre l'appel qui fut fait aux abstentionnistes par les ténors des plateaux médiatiques ! On tord le bras de l'électorat et on en appelle plus encore ? Les Français sont des veaux, certes, mais si l'on ajoute aux 50% d'abstinents les 15% de réfractaires au SVO (service du vote obligatoire, et 30% des votants), on aboutit à ce que près des 2/3 du corps électoral ignorent volontairement ou vomissent le Système. C'est énorme !
Un manipulateur de suffrages |
Ainsi va-t-il être dévastateur de comparer le résultat final des élections régionales (carte ci-dessous) avec l'expression démocratique du premier tour (carte ci-dessus), en obligeant la nation à accepter que l'image du peuple donnée par le premier tour des Régionales n'ait été que l'hologramme flou d'un processus inachevé, car à la fin du match, l'image projetée au second tour est conforme aux valeurs immanentes du modèle obligé ! Vous êtes trop intoxiqués pour comprendre que la manipulation est aboutie. Que le stock d'abstentionnistes grimpe ensuite tant la représentation en hémicycles sera distordue par rapport au pays réel n'a que peu d'intérêt pour l'establishment, à croire même qu'il est plus facile de travailler sur un corps électoral restreint. Tout est fabriqué dans notre démocratie représentative... et nous en resterons là du sujet pour éviter le bruit de croquenots dans l'escalier.
C.Q.F.D. |
Depuis longtemps la République affronte la démocratie qui est censée la fonder. En politique, la pratique prime le principe (on peut dire aussi : la fin justifie les moyens) mais c'est du principe que le politicien parle le plus s'il veut endormir les soupçons ; c'est le premier vice de la République. Il ne sera annulé que par la démocratie directe à la suisse, système qui exige bien sûr une éducation civique un peu plus poussée dans les écoles et les familles, si du moins en haut lieu on souhaite parler un jour à des électeurs politiquement adultes, élisant en leur sein des représentants honnêtes. Tous ceux qui ont appelé au retrait ou à la fusion de listes qualifiées pour le second tour sont évidemment contre une pure expression démocratique et tiennent à canaliser les suffrages. Mais le rêve est autorisé et comble du bonheur, une monarchie de tête s'emboîterait parfaitement sur un régime de démocratie directe si elle était cantonnée strictement aux pouvoirs régaliens. « L'autorité en haut, les libertés en bas », dit le slogan maurrassien. Libertés basses, libertés chéries, celles dont jour après jour les Bureaux nous privent un peu plus pour nous gérer en totalité, par complexification. Et oui, monsieur Rosanvallon, pourquoi rechercher l'inextricable si le «peuple introuvable» se plaît à regarder son image dans le miroir d'un scrutin de simple bon sens ?
(1) "Penser le populisme" aux Rencontres de Pétrarque, Montpellier 2011