Ce billet a paru dans Le Lien légitimiste n°72 de novembre-décembre 2016 (p.4 et 5) à la rubrique des 'Libres Propos de Catoneo' sous le titre De l'essartage des lauréats. Il entre en archives Royal-Artillerie à la St Basile, patron des calomniateurs, sous le libellé LLL.
Au grand tournoi de hache franque bien des crânes ont été fendus, dont celui des deux derniers présidents de la République et celui du Gaulliste de référence, ancien premier ministre. A croire que ce régime magique se purgerait des indésirables par lui-même ! De la poussière du champ clos monsieur Fillon a surgi, impeccable, épilé, qui fut désigné champion du Parti de l'Ordre, le dimanche anniversaire de la mort de Clovis. Un destin exceptionnel ! La Droite de gouvernement alignant les bannières de ses différences a rangé son infanterie en cohortes serrées qui regardent amusées la cohue des volailles socialistes tentant d'étouffer leur désordre dans un front de façade qui ne pourra recevoir d'aucune façon l'assaut ! Leur chef a passé Varennes sans encombres. Est-ce fini déjà ? Pratiquement, quoique !
Ce qui était, à l'origine du concept gaullien, la rencontre d'un homme et d'un peuple, a disparu dans la guerre des partis, renouant avec l'ADN gaulois du pays qui abaisse mécaniquement la fonction présidentielle au profit des baronnies subalternes et des chefferies provinciales réduites à leurs guichets achalandés. Le pays est "latin" comme jamais, clientéliste en diable, fait de petits calculs, et si le programme brutal de réformes de monsieur Fillon est jugé par beaucoup indispensable à la survie de notre État-nation, les mêmes en redoutent les incidences personnelles sur eux-mêmes et attendent
in petto qu'un troisième tour législatif et un quatrième tour social versent deux fois plus d'eau que de vin dans la jarre ! Le gouvernement botté de monsieur Fillon tiendra-t-il le choc de ses promesses ? Rien n'est moins sûr.
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François Fillon |
Le champion de la Droite sérieuse est un apparatchik de quarante ans de pratique. Il a commencé sa vie active en 1976 comme assistant parlementaire du député du Maine, Joël Le Theule. Il a occupé tous les postes du microcosme y démontrant une échine souple - contre Maastricht mais pour Lisbonne - jusqu'au dernier emploi qui lui valut le sobriquet de "collaborateur" de la part de son patron. Au jeu des citations, postures et manifestations diverses, on trouve chez lui tout et son contraire et nous ne jouerons pas aujourd’hui, d'autres s'en chargent qui veulent démonter l'armure. Monsieur Fillon est un vrai... politicien, si adroit qu'il ne fait pas politicien. Fils de notaire, bien marié, une seule fois, cinq enfants bien élevés, vie de famille au manoir, il rassure bien au-delà de La Manif Pour Tous. Ce qui devient inquiétant est quand même de l'entendre se revendiquer de Philippe Séguin, un homme politique ayant construit sa légende de bonapartiste dans les combines d'appareil pour finir imprécateur. Même la loi Séguin de 1987, la seule ayant gardé son nom, qui ouvrait l'apprentissage à toutes les filières, n'a pas eu les outils de contrainte nécessaires à son succès - trente ans après nous envions encore l'Allemagne. Archétype de la "machine à perdre", le cacique ténébreux, mais ondulant à ses heures comme devant François Mitterrand lors du fameux débat de la Sorbonne, est parvenu à ruiner le travail de Chirac à Paris jusqu'à perdre la mairie en 2001 après avoir capitulé en rase campagne. C'est Jean-Gilles Malliarakis qui en parle le mieux¹. Premier président de la Cour des Comptes en fin de carrière, agressant de ses remontrances parfois pertinentes les cabinets dépensiers successifs, il a voulu entrer dans l'histoire comme gaulliste social en attaquant toute mesure d'économie sur une fonction publique pléthorique dont il se fit le héraut. Et quand le quotidien de référence de l'opposition publiait ses récriminations avec gourmandise, le journaliste, épris d'équilibre subitement, signalait à côté « qu'en un quart de siècle, les dépenses publiques de personnels, en milliards d'euros constants [avaient] plus que doublé, passant de 140 milliards en 1980, puis 173 milliards d'euros en 1990, et 227 milliards d'euros en 2000 à 288 milliards d'euros en 2007 ». Alors la légende Séguin cacherait-elle un art vérifié du pouvoir de nuisance ? On avait compris qu'il reprochait surtout aux gouvernements visés de ne pas l'avoir retenu comme le premier ministre qu'un fort en thème comme lui à l'évidence méritait d'être. L'intensité de son agitation dans un parcours erratique de trente-sept ans l'y autorisait sans doute, mais pas ses nerfs. Monsieur Fillon a-t-il vu cet échec séguiniste avant de se réclamer de ce grand inutile ? Pourquoi ? Pour faire à son tour
patriote-libéral-social ? Et le programme carré qu'il espère forcer à la Chambre pourra-t-il passer sans arrondir les angles ? Le nombre des sceptiques s'accroît ; ils anticipent les amendements qui huileront les commissions parlementaires si tant est que la Chambre nouvelle soit conquise et acquise au président nouveau, l'électorat n'ayant pas peur des cohabitations.
A preuve de tout cela, il y a deux réformes préalables à la grande Réforme d'un pays failli comme le nôtre qui n'apparaissent pas. Et si ce sont des réformes difficiles², elles sont aussi le passe-fil de toutes les autres, du moins elles en ouvrent le canal.
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Marine Le Pen |
Il y a d'abord la séparation du Parlement et de l'État. L'État est pris ici dans son acception générale d'administration du territoire et des peuples. En attendant qu'un roi simplifie l'épure constitutionnelle, le parlement est souverain en ce qu'il porte l'expression de la Nation. Il n'est pas logique que le parlement chargé de mettre en œuvre la politique de la Nation, soit envahi par les corps constitués de l'administration publique et ses affidés. Ils ne peuvent légiférer d'un côté et rédiger voire différer
sine die les décrets d'application de l'autre. Il y a clairement conflit d'intérêts*. La pénétration de la fonction publique dans les rouages parlementaires est une absurdité dont s'est protégée la Grande Bretagne par exemple. L'inéligibilité des fonctionnaires cesserait leur pression au parlement et permettrait d'ouvrir la voie à la réduction du périmètre de l'État contre laquelle ils se battent becs et ongles. Comparés à nos partenaires de l'OCDE, nous avons 1,6 million de surnuméraires rapportés à la moyenne, et plus encore comparés au cousin germain. Réduisons le périmètre pour réduire les effectifs (et non pas l'inverse). On pourrait le faire en plus ou moins vingt ans au fur et à mesure des départs en retraite.
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Le patron, la Nation, est gouverné par ses employés, les fonctionnaires !Aparté : quand les syndicats de fonctionnaires instrumentalisent le travail pénible des infirmières ou le danger d'exercer celui de policier ou de pompier, il faut répondre que nous n'avons pas cinq millions ciçnq cent mille agents de ces catégories et par contre beaucoup de doublons entre la fonction d'État et la fonction territoriale et aussi du bois mort détaché ci et là.
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Emmanuel Macron |
La seconde réforme-mère est le sevrage des syndicats professionnels aux financements publics. Les syndicats ouvriers et patronaux ne doivent pouvoir compter que sur les cotisations de leurs adhérents, ce qui forme la première motivation de leurs cadres à défendre leurs intérêts propres. Ceci ne veut pas dire qu'il faille pétrifier leur influence à la masse des cotisations actuelles. Dans la mesure où certains services aujourd'hui "publics" seraient reversés aux partenaires sociaux responsables, la masse d'adhérents augmenterait forcément pour simplement couvrir les besoins de tout un chacun, comme il en va chez nos voisins. Le tarissement des subventions publiques changerait carrément le programme de défense des intérêts catégoriels qui resteraient différents des intérêts généraux que les centrales syndicales disputent aux élus. On passerait du parasitisme au paritarisme vrai. Une bonne coopération serait d'ailleurs utile au point suivant.
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Jean-Luc Mélenchon |
Devrait intervenir dans la foulée une troisième réforme au titre de la justice sociale. Elle serait comprise par tous jusqu'au hameau le plus reculé dans un pays friand d'égalité : l'euro cotisé pour sa pension future doit avoir la même valeur pour tous. Cette proclamation d'une réelle égalité en droits serait le sceau de justice qui validerait tout le reste du programme. Il s'agirait d'établir une retraite équitable universelle par points. Les régimes de pensions de base publiques et privées devraient être fusionnés pour aboutir à un régime unique. Le système par points permettrait ensuite d'arrêter les régimes spéciaux qui sont une vraie gangrène pour la cohésion nationale tant les disparités sont grandes et les bénéficiaires arrogants. La caisse unique par points supprimerait naturellement de nombreuses caisses complémentaires et de substitution qui vivent dans le déficit perpétuel. Le futur statut de la caisse unique pourrait être apparenté à celui de la Banque de France, protégée comme il faut pour y interdire les doigts crochus de l'État qui viendrait sinon y calmer le prurit de son impéritie, comme il le fait aujourd'hui en pillant la Caisse nationale pour alimenter la ligne budgétaire des pensions de ses fonctionnaires. Il serait possible à tous de cotiser ailleurs pour soi-même mais sans défiscalisation pour ne pas diminuer la ressource des cotisations obligatoires.
Malheureusement, on ne voit pas ces projets dans les cartons de monsieur Fillon, même si dans le microcosme parisien le troisième est évoqué plus fréquemment que les deux autres, parce que des pays modernes utilisent les points à leur entière satisfaction. Seule la bureaucratie tsariste retranchée dans les caisses spéciales y fait obstacle chez nous et quelques idéologues en péril, l'intelligence cédant le pas au goût du pouvoir petit !
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Vincent Peillon |
Reste
tout simplementà monsieur Fillon d'être élu. Élu contre l'État ! Le mal français réside dans l'étatisation à outrance² qui plombe le génie de ce peuple et sa créativité naturelle : le mammouth est devenu un géant et bien malin qui le tuera. Avec cinquante-sept pour cent de captation de la richesse produite, l'État français est devenu invincible ; et si l'on y ajoute les monopoles socialistes stratégiques que sont l'EDF, la SNCF et quelques autres, on voit la République parfaitement installée pour continuer à vampiriser la Nation sur laquelle elle se vautre, énorme. D'ici mai 2017, quatre mois peuvent suffire à l'État pour se sauver de l'amputation en faisant peur à tout le monde. Cela a commencé. L'État dans son ensemble devient dans l'esprit de la Gauche quelque sorte de sécurité sociale globale qui protégerait de tout. Ses fortifications sont en cours de relèvement. On va hisser l'artillerie de rempart.
Saluons pour finir l'intelligence du politburo de
Sens Commun qui, pour une fois à droite, monte en croupe du candidat le plus proche de ses idées susceptible de gagner, plutôt que de soutenir son propre candidat forcément relégué à une campagne de témoignage que personne n'entendra. Le grand sweepstake de l'an prochain se courra entre cinq écuries de tailles comparables, comme on pouvait s'y attendre : un centre, flanqué de part et d'autre des deux partis historiques de gouvernement qui chercheront à le phagocyter, et deux extrêmes qui se touchent. Tout le spectre politique est couvert, il n'y a plus de place, sauf pour un messie.
Le Lien Légitimiste
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