Aurions-nous garé à part le domaine régalien - sécurité & diplomatie - que nous n'appréhenderions pas autant les résultats du second tour de l'élection présidentielle. Le régime est à bout, restreignant le choix des électeurs entre sa démolition et sa dévolution. Le souverainisme anachronique étroit du camp dit-national attelé à un programme économique bolivarien le dispute au fédéralisme savamment construit du yuppie ubérisé, champion de la gérontocratie régnante mais plus intelligent qu'elle. L'exercice concret du pouvoir exécutif, contraint par la conversation institutionnelle obligatoire d'une république parlementaire, mettrait certes trois fois plus d'eau dans la jarre que de vin en volume, et sans doute les candidats comptent-ils sur ce frein-moteur pour passer entre les gouttes des pluies acides des cent premiers jours ! Mais quand même !
Une monarchie protégeant l'essentiel de l'Etat sous l'autorité naturelle d'un roi en son conseil pourrait laisser la société démocratique s'ébattre dans la querelle idéologique sans graves répercussions sur nos fondamentaux géopolitiques et civilisationnels. Sortir de l'arène la police nationale, la gendarmerie, les trois armées, les services secrets, le quai d'Orsay, les cours de justice et conseils supérieurs, libérerait l'esprit de l'électeur qui saurait alors que son choix ne risque pas de tout détruire. Resterait dans le champ du débat primordial de nombreuses fonctions étatiques et territoriales comme la santé, l'instruction, la douane, les impôts, l'économie, l'écologie et l'aménagement du territoire, l'industrie, l'agriculture et la pêche, les justices basses et consulaires et d'autres secteurs secondaires que le pays souhaiterait maintenir dans le giron public, comme la culture, le travail, la vieillesse, la francophonie, le logement, la famille, les colonies et les anciens combattants.
Ainsi en pleine campagne électorale, le roi, arbitre des différends, et le chef de cabinet du ministre des outremers auraient eu tout loisir de résider dix jours à Cayenne pour entendre les revendications locales, les peser, ouvrir un dialogue d'inventaire et de développement du territoire, trouver ensemble voies et moyens de hisser la Guyane à terme au premier rang des nations atlantiques et passer l'accord du dernier jour sous les acclamations. Les Guyanais auraient parlé au pouvoir permanent et pas à trois miquets en soins palliatifs qui ont d'abord tout refusé pour tout lâcher à la fin, à charge de leurs successeurs.
La police ferait respecter les lois sans obéir aux consignes du parti aux affaires, les antifas, le black block seraient matés, la gendarmerie retrouverait sa fonction de pacification et sûreté intérieure du territoire, le parquet, coupé de Matignon, poursuivrait en toute indépendance dans le strict respect des textes, les états-majors feraient la guerre sans interférences subalternes et dans le cadre de lois-programmes d'équipement pérennisant la qualité des moyens, le Conseil d'Etat ne serait pas sonné comme un valet au milieu de la nuit pour interdire le spectacle d'un gros bouffon noir au Zénith de Nantes. L'Etat retrouverait sa dignité perdue.
Dans le domaine public, les choix économiques et leur traduction budgétaire ne seraient encadrés que par les lois de saine gestion qui existent déjà et l'interdiction des déficits publics dans le fonctionnement de la nation. Le curseur du libéralisme, le niveau de dévolution des souverainetés, les investissements lourds, les coopérations étrangères seraient ajustés à chacune des élections législatives et le gouvernement issu de majorités unicolores ou coalisées mettrait en musique la partition écrite pour la législature. Demeurerait quoiqu'il arrive la garantie des pouvoirs régaliens permanents arrachés au désordre, qui permettrait de maintenir l'essentiel au niveau requis par le pays, son histoire et son rang.
C'est sur cet axe de communication que Royal-Artillerie promeut la monarchie de ce temps : le domaine régalien, strictement régalien et rien d'autre. Le mouvement monarchiste raisonné devrait se recentrer sur une épure politique possible et simple à comprendre en proposant de faire vivre côte à côte un Etat essentiel permanent et une démocratie vivante dans tout le domaine public, depuis les conseils municipaux jusqu'au parlement de Paris. Tant que l'offre politique royaliste ne sera pas audible et compréhensible par tout un chacun, agitation et propagande tourneront dans le microcosme sans effets induits autour de lui. Les démarches courageuses d'aujourd'hui sont stériles, il faudrait en prendre acte et revoir le produit et sa commercialisation. Le marketing de la monarchie ne peut choquer que ceux qui la repousse au fin fond des rêves impossibles, si délicieusement impossibles qu'on les habille de n'importe quoi, quand on ne les utilise pas pour nourrir ses propres frustrations. Les étendards du roi n'avanceront pas en chantant le vexilla regis mais par la raison pure. Le roi se démontre.