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Fin d'un cycle souverainiste

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Premier Edouard Philippe
On le sentait venir dès l'intronisation sans en avoir la certitude ou l'espoir selon l'opinion de chacun, le jeune président allait ringardiser la classe politique malgré le renfort des gérontes et la feuille de route paternaliste de monsieur Fabius. Les "gens", comme nous appelle Jean-Luc Mélenchon - le grand battu de l'élection présidentielle - en ont ras-le-bol, et du désordre général de la société française et de l'invocation incessante aux mânes des ancêtres, fondateurs et autres statues de bronze verdi de la République en soins palliatifs. En langage de djeune on dit : soûlant ! Droite, gauche, les mots-valises sont vides de sens, sans valeurs, et les porteurs de valise inaudibles. On refuse de les écouter. Les incantations gaulliennes de certains le disputent à la mesquinerie programmatique des autres, la mobilisation de classe tentée une dernière fois par les partis de la gabegie menacés ne parvient pas à coaguler les opinions réputées de gauche, mais qui ont retraité partout sur le spectre politique nouveau. Le Français veut du neuf et que crèvent les Guaino, Hortefeux, Accoyer, Aubry, Cambadelis, Dray, Le Guen, Vaillant, Raffarin, Woerth, répétiteurs usés d'un théâtre sans public. Et quid de Collomb à demi gâteux. C'est l'opportunité, pour une nouvelle génération guidée par la raison et les réalités, d'accéder aux affaires publiques. On en trouve partout et je vais en citer une quinzaine, hors gouvernement, pour faire bon poids :

Baroin avait ses chances en substitut d'un Fillon incapable d'atterrir dans le monde réel, il est le leader naturel du parti républicain survivant, il aurait mieux fait d'en être sûr il y a deux ans. A côté de lui, les gens comprennent les positions, discours ou postures de Wauquiez, Kosciusco-Morizet, Beigbeder, Keller, Solère..., à Blois Rama Yade et aussi bizarre que ça puisse paraître, Sarkozy, dont le discours n'est pas formaté par les vieilles lunes même s'il a fait bosser Guaino.
Jadot, De Rugy, la belle Pompili sont convoqués à critiquer Nicolas Hulot sur un argumentaire étayé avec une certaine audience mais ailleurs ne restent que Hamon, Corbière plus que Garrido et quelques autres à savoir articuler une proposition politique d'équerre ; à noter El Khomri courageuse et compatible ; sinon le reste est mort de darwinisme aggravé, fameuse loi d'attrition des espèces inadaptées. Reste Mélenchon (36 ans de carrière politique !) transformé en cairn terrier bolivarien de l'opposition en meute, petite meute. Si on continue à gauche, on arrive à droite, et là c'est le désert depuis que Marion Maréchal-Le Pen a jeté l'éponge. Nombreux étaient les électeurs frontistes de second tour qui ont voté FN en attente de ce jeune leader naturel qui accumulait les preuves de ses capacités. Royal-Artillerie l'a déjà dit ici. Personne ne s'enflammera plus pour les frères Philippot, Rachline, Collard ou le pâle Aliot, Nicolas Bay peut-être, un mégrétiste, ça s'explique. Sinon c'est mort comme le prouve le pronostic d'Opinionway dans l'hémicycle ci-dessous :

Sondage Opinionway du 26 mai 2017


Dans Challenges, Bruno Roger-Petit a stigmatisé la ringardise que nous évoquions en amorce de ce billet. Il m'autorise à le citer. Attention au verre pilé, éloignez les enfants : « Qui confesse la fascination de la sphère médiatique pour les tenants de la fermeture et du conservatisme, en ses multiples facettes… Après le Brexit et Trump, la sphère avait programmé l'avènement de la fermeture et du conservatisme… Au mieux, elle attendait Fillon. Et Sens commun. Et la Manif pour tous. Et l'insécurité culturelle en bandoulière. Au pire, elle guettait Le Pen. Et la sortie de l'Euro. Et la préférence nationale. Et la grande division française. Bref, la sphère, après avoir starisé l'ensemble protéiforme des enfermés et des conservateurs, avait comme fini par penser elle-même que l'image qu'elle offrait à voir au peuple était devenue vérité. Zemmour et Polony le matin, sur RTL et Europe 1. Finkielkraut et Onfray chez Taddeï et Ruquier le soir sur France 2. Et bien d'autres, ici et là, où l'on discute et dispute les moindres soubresauts de l'actualité… Tous étaient dans la place, en majesté. Partout, la Réac académie. Depuis dix ans. Et tous annonçaient la fin du politiquement correct, des idéaux progressistes, et d'une certaine idée de la France. La sphère les avait créés et elle en était contente. La triangulation de Gramsci était accomplie et l'hégémonie culturelle acquise grâce à eux. Leurs audiences, partout où ils étaient produits, confirmaient l'intuition...»

C'est vache de la part de BRP mais le corps électoral, souverain constitutionnel, a désavoué la sphère. Il a acheté l'Europe fédérale, la flexisécurité, le chômage précaire, l'euro, l'élégance intellectuelle, les paillettes du golden boy et une jeunesse qui a fait ses preuves par trois, millions. Macron n'est pas "mon" programme mais le peuple a dit ! Les grincheux et les battus (c'est pareil) dénient la légitimité de l'impétrant au motif que sa base électorale serait minoritaire en arithmétique. C'est faire preuve de bêtise puisqu'il n'existe aucune légitimité du nombre en République pour cause de prolifération des écuries courant aux cocardes avec chauffeur. Tous les présidents élus de la Cinquième l'ont été au second tour, donc minoritaires au premier sur un socle parfois étriqué (cf. Chirac). La seule légitimité s'il en faut une, est d'exercer quotidiennement le pouvoir en étant obéi sans reproches ni murmures par l'administration du pays. C'est le cas. En fait, la démocratie c'est de l'algèbre plutôt que de l'arithmétique. Dur, dur pour les littéraires !

Carl Lang - PdF
Au milieu des ruines (comme disait l'autre) on remet aujourd'hui en marche le moulin à poivre du souverainisme autour des mêmes (clic), nul ne voulant croire que le segment politique ait disparu. Nous voyons des gens de qualité se parler, faire cénacle avant de faire un parti éphémère, qui pensent avoir une créance sur l'avenir. C'est la démarche souverainiste agglomérante qui n'a jamais rien remporté parce que la lutte des ego a toujours primé l'intérêt général et que le corps électoral se méfie terriblement des politiques qu'il a prématurément usés. Du jour au lendemain ces gens si distingués sont devenus des cadavres exquis. Inutile d'attendre que Macron en ses conseils et son gouvernement se plante pour appeler au recours. Aussi haut que sera remontée la boule de neige, elle ne déclenchera pas d'avalanche. Toute une classe est sortie de l'épure pour n'avoir pas compris les vrais ressorts de la société française que les générations montantes veulent façonner autrement, connaissant le passé mieux peut-être que ne le croient les anciens, mais ne le jugeant pas utile dans la configuration socio-économique de demain matin. Sur ces bases, on dégage le vieux monde, et j'en suis !

Carnage de l'entre-soi : les souverainistes s'enferment, s'emmurent, ne voient plus le soleil d'Austerlitz, seul les éclaire le pessimisme aux falots tremblants de la crypte où on fait de l'écho pour passer le temps. Nous ne les nommons pas pour ne pas ajouter l'insulte à la disgrâce ; ils sont morts, et leur propre appréhension du monde en insinue malgré tout l'idée dans les cerveaux. Ils perçoivent vaguement leur inutilité, ne peuvent pas le dire, se réunissent pour un dernier pétard mouillé aux législatives puis disparaîtront, épuisés mais ravis d'avoir fini de pousser le rocher de Sisyphe. Ceux qui ont tenté le diable comme Villiers ou Chevènement vous diront qu'il y a des fenêtres d'opportunité, des trains qui passent puis qui ne passent plus. On ne peut plus balader des partisans jusqu'au prochain scrutin comme le font les Le Pen depuis toujours en comptant d'avance les sous rapportés par la séquence électorale. La prochaine fois... il n'y aura pas de prochaine fois !

Macron a prévenu le président Juncker qu'il ferait tout pour gommer les débordements insupportables de la Commission européenne à commencer par le dumping social. Il va couper l'herbe sous le pied aux europhobes allant jusqu'à disputer sa rigueur intenable au dogue de Berlin. Varoufakis* a parfaitement vu la fente dans la palissade libérale en soutenant Macron*. Sur quoi nous battrons-nous dans quatre ans s'il réussit ? Et ne faut-il pas souhaiter qu'il réussisse pour l'avenir de notre pays ?

La donne est passée maintenant aux quadragénaires décatalysés avec quelques accommodements pour satisfaire aux équilibres victorieux. Rien n'est repris du fonctionnement des quinquennats précédents. Le nouveau pouvoir est attentif à lui-même, à ses dossiers et à sa communication la plus sobre possible. Modelant la gouvernance à sa main, l'Elysée a pris le parti de se taire le plus souvent, à l'Ottomane, ce qui enrage la corporation des ratés qui se nourrissent des excréments médiatiques du pouvoir et croient gouverner en lieu et place des élus par l'alarme, le scandale, le scoop.

L'affaire Ferrand est typique de cette gestion muette du problème. On ose s'opposer à la Sainte Inquisition du Canard Enchaîné et pis que tout, Matignon snobe la campagne de presse contre le ministre, ce qui a le don d'enrager les dîneurs du soir qui somment à tout va, mais en vain ! Les journalistes de gouvernement, les influenceurs qui répugnent à se dépenser dans une campagne électorale pour prendre les choses en main, toute cette racaille planquée derrière une carte de presse, véritable sauf-conduit pour l'assassinat médiatique de leurs semblables, tout ça va être descendu à son niveau le plus trivial, utilitaire, news et commentaires, le quatrième pouvoir, qui a fait tant de mal, va se dissoudre dans le désintérêt général et les avantages fiscaux. Pour qui se prenaient-ils ces types ? Des faiseurs d'opinion, des faiseurs de rois. Tu parles ! Mort aux cuistres, à légions ! Un bol d'air frais !


Et le roi dans tout ça ?
Ben... rien ! La période d'attention de l'opinion aux débats politiques va se refermer. Nul n'a parlé du roi, sauf le président candidat, ce qui est un comble. La roycosphère n'a rien produit d'audible, n'a su promouvoir son offre politique. Les princes pour leur part s'en sont bien gardés. L'opinion avait le souci d'arbitrer au bon sens les choses sérieuses, rejetant les délires et foutaises de préaux, nulle figure de proue chez les royalistes n'a réussi à faire "sérieux". C'est dommage car la défaite cuisante du souverainisme français induit celle du royalisme en son état doctrinal actuel. C'est l'aggiornamento ou mourir. On récrit la copie ! Qui lève le doigt ?

Quant aux deux critiques insatiables au balcon du Muppet Show, laissons-leur le plaisir d'avoir raison tout seuls contre tous.



note (*) :« En écrasant le printemps grec, la Troïka a non seulement porté un coup à la Grèce, mais aussi à l’intégrité et à l’esprit de l’Europe. Emmanuel Macron a été le seul membre du système qui a essayé de s’y opposer. Je pense qu’il est de mon devoir de faire en sorte que les Français progressistes, sur le point d’entrer (ou de ne pas entrer) dans le bureau de vote au second tour, fassent leur choix en ayant pleinement conscience de cela », écrivit M. Varoufakis entre les deux tours de la présidentielle (cf. Libé).

Postcriptum : on aurait pu faire un billet de même poids sur l'ensemble de l'Union européenne en amorçant outre-Manche depuis que le UKIP n'a plus qu'un seul conseiller municipal après Brexit depuis le 4 mai 2017 (date de l'élection à un tour des municipalités); ils avaient 144 sortants ! Les résultats hollandais et autrichiens n'ont pas été probants, l'AfD allemande est vampirisée par Martin Schulz... Ailleurs les souverainistes, même minoritaires, ne progressent plus parce que leurs adversaires s'organisent, jusqu'en Pologne. L'échec français a un retentissement considérable autant que le succès promis qualifiait partout les partis nationalistes.


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