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Les diamants de Mammy Wen

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Wen Jiabao
L'incitation à établir sa famille le plus vite possible est de toujours chez les hommes accédant au pouvoir. Ceci motive la préférence pour la royauté puisque la famille en charge est établie de longtemps et n'a pas besoin de céder à cette avidité génétique de l'espèce. Puis il y a les andouilles. Qui se souvient des "40 brillants impériaux" de Valéry Giscard d'Estaing ? Ils lui coûtèrent son second mandat présidentiel quelqu'ait été le bien ou mal-fondé de l'histoire du Canard Enchaîné, le million de diamants ayant fini à seulement 111547 francs aux enchères. C'était un cadeau habituel de l'Empereur Bokassa Ier à ses hôtes. Pour Wen Jiabao, premier ministre de la République populaire de Chine, phare des nations, on ne parle plus de cadeaux mais de trafic, et l'affaire du New York Times fait plus de deux milliards de dollars ! Ecran noir sur Internet, direct !

C'est dans seulement dix jours que s'ouvrira à Pékin le Congrès du Parti communiste chinois pour approuver une transition politique accouchée au forceps dans les larmes et le sang. Les révélations du grand journal newyorkais sont une bombe atomique larguée sur le Grand Palais du Peuple au moment où la guerre à la corruption est l'ultima ratio qui justifie l'écrasement du camp de Bo Xilai, vice-roi de Chongqing (la patrie de Deng Xiaoping). Il vient d'être dégradé de tous ses titres, ce qui ouvre de fait le procès classique en sorcellerie. Revenons aux Happy Few.

Zhang Beili
Un peu comme dans le couple de l'Elysée c'est la dame qui porte culotte. Elle s'appelle Zhang Beili et c'est elle la vraie entrepreneuse du clan Wen. A tel point que la rumeur d'un divorce courut tant M. Wen s'effrayait des développements du bizness de son épouse. D'origine très modeste, les autres proches de M. Wen pètent aujourd'hui dans la soie, et mènent leurs affaires à travers des hommes de paille qui apparaissent dans moult compagnies, depuis les assurances jusqu'au traitement des eaux usées et des déchets hospitaliers. Sa vieille maman, pauvre institutrice en retraite goûte une fin de vie paisible dans un luxe mesuré à sa capacité d'encaisser le choc du surclassement. Elle détient 120 millions de dollars d'actions d'une compagnie financière, entre autres. Frère cadet, beau-frère, fils et fille sont aujourd'hui simplement riches, mais n'égalent pas la Reine du diamant, l'épouse de M. Wen. Qu'en dit le New York Times ?

« L'influence de Zhang Beili naquit dans les années 90 quand elle travaillait comme contrôleur au Ministère de Géologie. A cette époque, le marché chinois de la joaillerie était dans les limbes. Tandis que son mari travaillait à la cité réservée au pouvoir, connue sous le nom de Zhongnanhai, Zhang Beili établit les normes applicables au commerce des gemmes et bijoux. Elle poussa à la création d'un Centre national d'épreuve des pierres précieuses à Pékin et d'une Bourse de diamants à Shanghaï, deux institutions les plus puissantes de l'industrie.
Dans un pays où l'Etat a longtemps dominé le marché, les contrôleurs de la joaillerie décidaient eux-mêmes quelles compagnies pouvaient monter un atelier de taille de diamants et qui obtiendrait son ticket d'entrée sur le marché de la distribution. Les contrôleurs d'Etat formulèrent même des règles qui exigeait des vendeurs qu'ils achètent des certificats d'authenticité pour tout diamant vendu en Chine, certificats émis par le Centre d'épreuve dirigé par Mme Zhang.»

« A telle enseigne que lorsque les dirigeants de Cartier ou De Beers allèrent en Chine dans l'espoir de vendre diamants et bijoux, ils durent rencontrer souvent Mme Zhang, qui acquit bientôt le surnom de Reine du diamant de Chine.
Le président de la Confédération mondiale de joaillerie en Suisse, Gaetano Cavalieri, dit qu'elle est la personne la plus importante là-bas parce qu'elle peut nouer les bonnes relations entre partenaires, partenaires chinois et étrangers.
Quelqu'un qui a travaillé avec Mme Zhang disait qu'elle a commencé à franchir la ligne jaune entre fonctionnaire d'Etat et femme d'affaires dès 1992. Comme patronne de la corporation d'Etat China Mineral & Gem, elle commença à investir de l'argent de la corporation dans des start-ups. Et quand son mari fut nommé vice-Premier ministre en 1998, elle s'occupa de monter des bizness avec des amis et ses proches.
En 1993 sa corporation facilita la fondation de Beijing Diamond, le gros détaillant en joallerie. D'après les registres d'actionnaires, une année après, un de ses jeunes frères, Zhang Jianming et deux collègues de son administration acquirent 80% de la société. Beijing Diamond investit sur Shenzhen Diamond dont son beau-frère, Wen Jiahong (le frère cadet du Premier ministre), prit le contrôle.
Parmi ses prises de participation réussies figure Sino-Diamond, une entreprise financée par la corporation d'Etat China Mineral & Gem qu'elle dirigeait. La société avait les liens d'affaires avec une autre société d'Etat gérée par un autre frère, Zhang Jiankun, fonctionnaire à Jiaxing, ville natale de Mme Zhang au Zhejiang. A l'été 99, après avoir verrouillé des accords d'importation de diamants avec la Russie et l'Afrique du Sud, Sino-Diamond fut introduit en bourse, levant 50 millions de dollars à Shanghaï. Selon les documents comptables, la souscription a rapporté 8 millions nets à la famille Zhang.»

Après l'épouse, on pourrait faire un livre rien que sur le fils du premier ministre, Winston Wen Yunsong, princeling de caricature, puis sur le beau-frère etc...

Li Keqiang, le nettoyeur
Dans son article (un peu rugueux tant il veut coller aux preuves) David Barboza signale que « les efforts manifestes à dissimuler la richesse reflète sa forte charge politique pour les élites qui gouvernent le pays ; la plupart d'entre eux sont énormément riches mais peu disposés à attirer l'attention sur leurs richesses. Quand Bloomberg News rapporta en juin que la famille du Vice-président Xi Jinping, mis en place pour devenir le futur président, avait amassé des centaines de millions de dollars d'actifs, le gouvernement chinois à bloqué l'accès au site Bloomberg à l'intérieur du pays.» C'est ce qui vient de se passer pour le site du NYT. Sauf que tous les Chinois ne sont pas confinés en Chine continentale et qu'à Hong Kong, Taïwan, dans toute la diaspora établie par le monde entier, on prend pour argent comptant les exploits de Papy Wen et de son cheval d'épouse.

Le plus grave est sans doute que l'information touche les étudiants chinois dispersés dans les meilleures universités occidentales, au moment de la célébration du Parti qu'ils suivent avec intérêt. Patriotes assurément, comme tous les Chinois, ils encaissent mal que soit étalée sur la place publique en détails et sur pièces les méfaits de la corruption endémique au régime. Si une partie pointe du doigt la malfaisance du journal newyorkais, la plupart demanderont des comptes au pouvoir qui semble bien aussi pourri que le soutenaient d'horribles activistes toujours prompts à dénigrer les dirigeants communistes.

Les hommes politiques sortants conservent normalement en Chine un forte influence depuis leur retraite, mais dans le cas de Wen Jiabao il semblerait que les révélations concernant ses proches, si elles s'avèrent fondées (précaution purement oratoire), plomberont son avenir politique. Sachant les rumeurs, il avait nié s'être personnellement enrichi au début de cette année. Mais si l'histoire seule sera autorisée à juger son parcours à la tête du gouvernement, comme il le dit lui-même, elle mettra en marge du chapitre le concernant des choses qui vont lui déplaire. Ne fait pas le Mazarin qui veut !

Li Keqiang qui sera nommé au Congrès, doit relever Wen Jiabao au mois de mars prochain ; il serait étonnant qu'il ne se passe rien concernant ce dernier pendant l'année 2013 parce que ce que tout le monde soupçonnait va éclater au grand jour. Bo Xilai a été abattu en passant par sa femme Gu Kailai; en fera-t-on autant de Wen Jiabao par Zhang Beili ?




Premier épilogue
Dans un communiqué paru samedi dernier et diffusé à la télévision de Hong Kong ainsi que dans le quotidien South China Morning Post, les avocats de Wen, maître Bai Tao et maître Wang Weidong, ont nié que Wen ait pu agir de manière non correcte et qu'il ait pu profiter de son mandat de Premier ministre ou en faire profiter sa famille.
Le journal affirme que la famille du Premier ministre a investi dans un projet immobilier à Pékin, dans une fabrique de pneus dans le nord de la Chine, dans une entreprise ayant participé à la construction de certains sites des Jeux olympiques de Pékin en 2008, notamment le "Nid d'oiseau", et dans Ping An, l'une des plus grandes sociétés de services financiers au monde.
[ndlr] Toute assignation du NYT débonderait la masse documentaire que le journal tient en appui de ses dires. Il ne reste au cabinet Wen qu'à jouer finement.

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