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Le QUAD ! Réponse à "One Belt One Road" ?

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Le projet impérialiste des Routes de la Soie rencontre un indéniable succès dès lors qu'il draine d'énormes investissement chinois sur ses axes. Pour mémoire, le faisceau septentrional historique va déjà de la frontière du Turkestan chinois au pont d'Orsk sur l'Oural, par autoroute, pipeline et voie ferrée contiguës, à ce que dit la propagande céleste. Orsk est le poste-frontière entre Europe et Asie. Plus haut, le passage du nord-est que se réservait la Russie confiante en ses brise-glaces nucléaires est déjà parcouru par la marine marchande chinoise. Les travaux avancent bien sur le fuseau méridional qui aboutira à Singapour avec une dérivation à travers le Triangle d'Or vers le Rakhine birman (tiens !) et le Bangladesh (voir la carte et l'article de Royal-Artillerie en cliquant ici). La voie persique traditionnelle est assez avancée, jusqu'au port "alexandrin" de Gwadar. Gwadar est sur la mer d'Oman au débouché du Golfe persique ; Singapour est sur la charnière insulindienne. Tout ça pour dire que Pékin a largement dépassé discours et proclamations, ça bosse dur ! On n'est pas sur le canal Seine-Nord !

La tentative de capter toute la Mer de Chine méridionale par des moyens aussi insidieux que spectaculaires (bétonnage de récifs coralliens inhabités les transformant en porte-avions statiques) a fait comprendre aux grands pays du Pacifique que l'ambition de la nouvelle Chine ne se limiterait pas aux mers éponymes, mais atteindrait forcément les océans pour se protéger par un glacis liquide. L'idée de sécuriser l'Océan pacifique revient au Japon qui en 2007 proposa une Entente à l'Inde, aux Etats-Unis et à l'Australie. C'est après le grand tsunami en mer d'Adaman le 26 décembre 2004, quand les quatre marines se coordonnèrent pour porter assistance aux victimes, que l'idée d'un dialogue stratégique était venue à Shinzo Abe.

La première mouture organisationnelle se heurta aux réticences explicites de l'Australie, fournisseur important de la Chine, qui se retira du projet en 2008. Camberra jugea à l'époque que la manœuvre d'escadres dans l'Océan indien attiserait la paranoïa d'encerclement de Zhongnanhai* et provoquerait un surarmement de la Chine. Dix ans plus tard, l'Australie reconnaît que rien n'a empêché l'hégémonisme chinois et le saccage des équilibres géopolitiques qu'il entraîne, encore moins sa propre retenue qui fut vaine en tous domaines même si elle a préservé ses échanges commerciaux avec son plus grand consommateur de produits miniers.
(*) nom de la cité interdite moderne de Pékin

Le dialogue stratégique vient de renaître sous l'acronyme QUAD aux Philippines en marge du sommet de l'ASEAN : Quadrilateral Security Dialogue. Moins romantique que l'arc démocratique du Pacifique comme le voyaient Shinzo Abe et Barack Obama, le QUAD réunit pour faire la guerre quatre pays qui en ont les moyens et qui ne se laisseront pas berner par les proclamations pacifistes de Pékin. On peut raisonnablement soutenir que l'élévation de Xi Jinping au trône impérial lors du 19è Congrès n'est pas étrangère à la décision australienne de rejoindre les trois autres. Sans une mèche au front ni la petite moustache, le projet de Xi est écrit, et en vente libre ! Pragmatique, l'Australie constate une posture chinoise très agressive en mer, que ce soit aux Paracels, aux Senkakus voire Taïwan, et que se multiplient les patrouilles de provocation en Mer de Chine méridionale et orientale où passent les vracs australiens. Les protestations n'ont aucun effet sauf à déclencher dans la presse communiste une logorrhée antédiluvienne sur la propriété imprescriptible des routes maritimes qui fatigue tout le monde.


Les quatre déclarations finales de Manille sont peu différentes quant à la sécurité, liberté de navigation, connectivité indo-pacifique, mais l'Inde y ajoute une fenêtre qui ouvre sur la participation d'autres pays dans l'avenir. L'Indonésie, les Philippines, le Vietnam et la Corée du Sud y réfléchissent déjà, quand passe l'escadre chinoise dans leurs eaux.

La Chine a bien senti le vent du boulet qui tua Nelson. Elle a réagi précautionneusement en signalant qu'elle espérait qu'aucune tierce partie ne soit visée par les déclarations de Manille. Demeure la question à dix balles :

Est-ce par le réarmement que l'on éloigne la guerre ou qu'on la rend inéluctable ?

On sait depuis le 19è Congrès national du Parti communiste chinois qu'un saut a été fait vers la dictature d'un homme dont la "pensée" vient d'être formellement inscrite dans la Constitution de la République populaire. Ce qui veut dire qu'il n'y aura qu'une ligne stratégique exposée, la sienne, toute autre étant passible d'assignation pour atteinte à la sûreté de l'Etat, critique de la loi fondamentale, mise en péril du Parti et tout le diable son train. D'où la balle méritée dans la nuque sur la place du marché à 11 heures du matin. Qui peut rester tremblant devant pareil défi ?


On peut aimer la Chine, sa culture trimillénaire intacte, son art de vivre spécifique, adorer les Chinoises, tout en gardant les yeux ouverts sur une oppression politique que rien ne fera mollir désormais. Une dernière remarque pour la route : quand le prince-héritier Xi Jinping fut confirmé au 18ème Congrès (en 2012), la victoire de la ligne d'ouverture libérale commencée par Deng Xiaoping était scellée contre la coterie néo-maoïste qui poussait vers la magistrature suprême le charismatique prince-héritier Bo Xilaï, empereur-maire de Chongqing. On peut douter que celui-ci (aujourd'hui en prison) aurait osé aller aussi loin dans la réhabilitation d'une discipline d'un autre temps autour de préceptes intangibles ayant fleuri sous la Révolution culturelle, et pour ce qui concerne l'étranger, dans la promotion d'un impérialisme à découvert sur toute l'Asie du sud-est. Comme quoi, la fonction créé l'organe.



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