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Onze novembre pacifique

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La Grande Guerre inexorablement s'estompe dans la mémoire populaire, plus personne sur terre ne l'ayant faite. Si elle reste exemplaire en termes de vaillance, courage, abnégation, sens du sacrifice de tous nos soldats, ses motifs sont forcément anachroniques et la manière de conduire le combat en consommant les effectifs comme du bois de chauffe, répréhensible. Ce n'est pas sans conséquences pour l'avenir du pays qu'un million et demi de Français dans la force de l'âge ait été couché dans des fosses impeccablement alignées. Ils nous ont bien manqué ensuite. Cette année, nous irons au bout du monde pour vous narrer LA Bataille de Tahiti. Mais si !

Destructions à Papeete (1914)

Août 14, la fumée du grand croiseur Montcalm avait passé l'horizon, emmenant à son bord tant d'amours brisées et de verre pilé à pisser bientôt, que les vahinés remontaient déjà vers les cases en pleurant leur marin-menteur. La mobilisation générale avait été annoncée le 1er août par le capitaine de vaisseau Louis-Gabriel Viaux, quand la Zélée¹ au mouillage de Raiatea leva l'ancre pour rentrer à sa base de Papeete. Informée de la déclaration de guerre, elle captura en route le cargo allemand Walküre qui avait fait des phosphates à Makatea (Tuamotu).
A peine avait-il jeté l'ancre, Destremau, commandant la Zélée, apprit que l'escadre du Kaiser venait sur lui. Il faut dire que Papeete était un port de charbonnage important sur la ligne du tropique avec 5000 tonnes de soutes de la meilleure qualité, du cardiff. Le vice-amiral von Spee emmenait deux croiseurs cuirassés récents, le Scharnhorst et le Gneisenau, le croiseur rapide Nürnberg, deux croiseurs auxiliaires (Leipzig, Dresden) et huit charbonniers car le charbon était vital sur un aussi vaste océan. Que faisait l'Allemagne si loin de ses bases ? Pas si loin, nous dit Mme Boubin-Boyer !

La Zélée ramenant le SS Walküre

« L’Allemagne possède la partie nord-est de la Nouvelle-Guinée et des archipels situés au nord-est depuis l’archipel Bismarck jusqu’à Bougainville et Buka. Son objectif est de créer un puissant empire colonial en direction de l'Extrême-Orient via l’enclave de Kiao Tchéou en Chine, riche en marchés potentiels pour l’économie allemande. La révolte des Boxers(1895-1900) en Chine a permis à l'empire allemand de prendre à bail la grande baie de Kiao-Tchéou et d'y installer une grande base économique, défendue par la base maritime de TsingTao ; les Allemands ont eu ainsi, à partir d'un territoire peuplé et riche, la possibilité de prendre pied en Extrême-Orient. En Micronésie, l’Allemagne possède les archipels des Mariannes, des Carolines, des Marshall, de Palau, de Nauru, et aux Samoa, les îles Upolu et Savai’i. Un maillage du Pacifique est réalisé par les colonies allemandes et la flotte marchande. Une flotte commerciale agressive fonctionnant parfois à perte, transporte le nickel de Nouvelle-Calédonie, les produits agricoles et des cultures spéculatives comme le coprah. Les capitalistes allemands ne réinvestissent pas leurs bénéfices dans les colonies. Les Allemands manifestent des égards envers certains indigènes et respectent leurs coutumes : ainsi, les indigènes samoans sont des hommes à part entière et sont représentés au conseil de gouvernement. Les Allemands adoptent souvent le mode de vie océanien. On ne trouve pas ou peu de missionnaires. Les colonies allemandes n’ont pas de système de défense par mer ou par terre, pas de troupes militaires ni de bases navales installées. Sous le commandement de l’amiral Von Spee [ndlr : vice-amiral], la flotte allemande du Pacifique est basée à TsingTao, elle fait des visites de courtoisie dans les colonies allemandes. Ce qui fait la force des Allemands dans le Pacifique est leur réseau de TSF déjà réalisé ou en projet : la plupart des navires de guerre et marchands en sont équipés, l’équipement radiotélégraphique des possessions allemandes est en bonne voie »(source).


SMS Scharnhorst

Le lieutenant de vaisseau Destremau compte qu'il lui reste cinq jours avant le choc à 1 contre 100, dans un port désarmé par la langueur des tropiques, la batterie de protection de la passe édifiée en 1880 ayant été bouffée littéralement par la végétation luxuriante. Cinq jours ? Cette race française, capable du pire en surnombre et du meilleur avec sa bite et un couteau, ne se rend pas sans combattre. Les cadres de l'administration civile, n'écoutant que leur courage qui ne leur dit rien, ramassent leurs cliques et leur diplôme de l'Ecole coloniale soigneusement roulé, puis disparaissent.
Destremau est de ces officiers qui prennent réellement possession de leur poste au sens qu'ils en font leur chose personnelle, pour la défendre jusqu'au bout par l'impossible auquel nul n'est tenu sauf eux. Libre de décider seul, il fait monter l'artillerie embarquée de la Zélée au vieux fort par des géants tahitiens au prix d'un labeur surhumain. Il a maintenant 1 pièce de 100 et 4 de 65 bien placées. De quoi mourir dans l'honneur, et merde !

Canon de la Zélée en souvenir

Le 22 septembre, Maximilian von Spee se présente à 2000 mètres de la barrière de corail pour se prendre trois salves de la batterie du vieux fort. Etonné, car un gendarme de Bora Bora, le croyant anglais, lui avait dit que Papeete n'avait aucun moyen de défense (sissi, "ils" osent tout), il tire dans la forêt pour chauffer ses fûts puis se retire pour se ranger en ordre de bataille. Confiant dans ses pièces de 210, il revient plus menaçant, et s'apprête à pulvériser le fort quand il voit un cargo sabordé devant le poste charbonnier, et le stock de cardiff en feu. Schweinisch Franzosen ! C'est le vapeur Walküre qui n'a pu être tiré jusqu'à la passe pour l'obstruer que Destremau a coulé bas. Rien ne va normalement pour von Spee, la batterie du fort ne l'allume pas, rien ne bouge, il comprend subitement que le chenal a tout simplement été miné et qu'il va perdre un de ses bateaux pour rien, qui lui bloquera l'accès, en plus.
Destremau avait eu la juste intuition en ne dévoilant pas le faible calibre de ses pièces, se taisant comme la murène guettant l'imprudent et laissant l'imagination faire le reste. De rage, von Spee, amiral bien peu chevaleresque, tirera alors 48 obus sur la ville qui brûlera sur un bon tiers - tout le quartier commercial entre le front de mer et la cathédrale sera entièrement détruit - et par un 49ème, il coulera la Zélée à quai (compilation de Farrère et Chack).

Maxime Destremau
L'intelligence du lieutenant de vaisseau Maxime Destremau sauvera le point de charbonnage essentiel de Papeete, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la suite de cette première guerre du Pacifique.
A l'âge de 40 ans, il mourra à Toulon en mars 1915, non sans avoir essuyé les critiques des pleutres de l'administration de Tahiti qui avaient voulu se rendre pour épargner la ville (déjà !). Il seront soutenus par l'amiral de Nouméa qui ne digérait pas d'avoir été mis en marge de cette glorieuse page d'histoire. A cause d'eux, Destremau n'aura sa rosette de la Légion d'honneur qu'en mars 1919, à titre posthume, avec une belle citation de l'amiral Ferdinand De Bon qui avait insisté: « Monsieur le lieutenant de vaisseau Destremau, commandant la défense de Tahiti a su, malgré le peu de concours des autorités locales, organiser la défense de l’île de manière à empêcher le Scharnhorst et le Gneisenau de s’en emparer.»

Les affaires étant lancées, Nouméa devint centre de recrutement pour tout le Pacifique. La colonie lèvera et formera deux unités coloniales avec des recrues calédoniennes, canaques, wallisiennes, néo-hébridaises, tahitiennes, tonkinoises, annamites, cochinchinoises, et cent Japonais enrôlés dans la Légion étrangère ! Ce sont le Bataillon mixte du Pacifique (son recrutement sur Grande Terre favorisa le déclenchement de la révolte de 1917); et le Bataillon d’Infanterie coloniale de la Nouvelle-Calédonie qui enverra des renforts aux divisions coloniales des fronts de la Somme et de l'Artois.
Un travail précieux a été compilé par le Vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie sur la guerre de 14-18 et mis en ligne ici.


Epilogue

Les deux fleurons de la flotte impériale allemande, Scharnhorst et Gneisenau, seront coulés aux Falklands le 9 décembre 1914 par les Anglais avec deux de leurs croisieurs d'escorte, le Nürnberg et le Leipzig. Le calibre 305 de l'Amirauté britannique ne faisant pas de cadeaux, les Allemands laisseront 1800 marins et leur amiral dans cette bataille navale. Au départ, c'est l'obligation pour Maximilian von Spee de faire ses soutes à Port Stanley avant de remonter vers l'Atlantique nord qui sera le point de rendez-vous fortuit aux Malouines, surprenant les deux escadres qui jouaient au chat et à la souris depuis la bataille de Coronel (Chili).

Le commandant Destremau a sa rue à Papeete. Sa fille Noëlle, agrégée d'histoire, est décédée au début de cette année en Haute Saône à l'âge de 101 ans. On lui doit plusieurs ouvrages² sur la période qui va de la Révolution à l'Usurpation.


Notes
(1) La Zéléeétait une canonnière de 680T (1899) en service dans les EFO avec 7 officiers, 97 hommes d'équipage pour une dépense moyenne annuelle de 250810 francs. Elle était armée de 2 affûts de 100, 4 de 65 et 4 de 37. Avec l'aviso Le Kersaint, elle était affectée à la police de la Polynésie, réelle gageure car c'était deux vieux navires lents dont le remplacement ne se faisait pas faute de moyens.
la Zélée

(2) Ouvrages de N. Destremau :
  • Martin le visionnaire et Marie-Caroline duchesse de Berry (NEL 2002)
  • La chapelle expiatoire et le cimetière de la Madeleine (2002)
  • La guerre de Vendée de la duchesse de Berry (2000)
  • Le baron de Batz : Un étonnant conspirateur (1999)
  • Le chevalier de Charette et l'épopée vendéenne (1997)
  • Adrienne de la Fayette : L'héroïsme de l'amour conjugal (1996)
  • Antoine et Marie-Jeanne Simon : Les instituteurs du petit roi Louis XVII (1995)
  • Madame Royale et son mystère (NEL 1991)
  • Le duc d'Enghien "erreur politique ou assassinat ?" suivi de "La vie de Louise Adélaïde de Bourbon Condé" (1990)
  • Varennes en Argonne (NEL 1987)
  • Une soeur de Louis XVI, madame Elizabeth (NEL 1983)
  • Trois journées pour détruire la monarchie (NEL 1968)




COMMUNIQUE ACTION FRANCAISE


Dimanche 11 novembre à 19h30, la jeunesse française, réunie autour de l'Association des anciens du 11 novembre 1940, déposera une gerbe sous la plaque commémorative, sise en haut des Champs-Elysées (face à l'Arc, trottoir de droite après la bouche de métro Etoile, la plaque bleue est scellée dans le mur).

PLUS NOUS SERONS NOMBREUX, PLUS NOUS NOUS MONTRERONS DIGNES DE NOS AÎNÉS ET RAPPELLERONS QUE LA PREMIÈRE DES LIBERTÉS EST L’INDÉPENDANCE DE LA PATRIE.




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