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La diagonale atomique de Donald Trump

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Le retrait américain de l'accord nucléaire iranien convoque un peu plus de sérieux que n'en montrent les chaînes françaises d'information. C'est une affaire très grave, non parce qu'elle remonte à bloc la pendule des tensions au Moyen-Orient mais aussi parce qu'elle brise le consensus atlantique autour duquel tourne la planète quoiqu'on en dise. La guerre prévisible que mènera Israël d'ordre et pour compte Trump contre l'Iran, se fera sans participation européenne pour une raison très simple, l'Europe aura d'ici là disparu des écrans stratégiques, la France seule ne pouvant peser, la preuve en est faite par l'inanité des postures de séduction retenues par Emmanuel Macron. La Grande Bretagne est littéralement avalée par un Brexit de plus en plus douteux ; l'Allemagne se révèle être le nain diplomatique affairé aux affaires et c'est tout ; les autres pays suivant à leur rythme et souvent pas du tout.

C'est un article assez complet d'Emile Simpson, publié deux heures avant l'annonce du retrait dans Foreign Policy, qui cadre le mieux le problème : il s'intitule The Predictable Disaster of Trump’s Lonely Iran Strategy et vous pouvez le lire en cliquant sur ce titre. On le complètera utilement du "rapport d'étape" donné par Robert Malley au site Orient XXI et titré : Face à Trump, l’Europe peut encore sauver l’accord sur le nucléaire iranien... et éviter un embrasement régional. Malley fut négociateur à l'accord pour Obama.

courtoisie Gage Skidmore

L'exterritorialité des rétorsions promises par Trump affectera directement nos entreprises européennes - ce sont celles qui nous intéressent - mais aussi des entreprises russes ou chinoises qui commercent ou comptaient commercer avec les Etats-Unis comme avec l'Iran. Cette menace hégémonique est insupportable mais on ne voit pour l'instant que les prémices de négociations entre les deux rives de l'Atlantique alors que nous aurions pu attendre un "non" catégorique des principales démocraties occidentales. Donald Trump n'aime pas les négociateurs, il a viré Rex Tillerson pour ce motif. Il ne comprend que les contempteurs directs, les casques à pointe ! Justement Angela Merkel a dit son fait au mogul newyorkais mais il va falloir agir très concrètement pour peser.

Si on se recule au fond du chesterfield plein cuir de buffle, on voit que Trump délègue sa diplomatie active à des puissances locales qu'il manœuvre à sa guise par tous moyens et sans en calculer le prix. Il attaque la Chine par la Corée du Sud chargée de faire la paix avec le frère nordiste en banqueroute, et ça peut marcher s'il ne change pas d'idée pendant le mois qui reste à courir jusqu'au sommet de Singapour du 12 juin.
Au Moyen-Orient, il a mis ses billes en Israël, semble-t-il à l'incitation pressante de son gendre Kushner, le mari de sa fille Ivanka. Il va donner tous les moyens de se battre à Benjamin Netanyahou afin de casser le dispositif syrien organisé par les gardiens de la Révolution islamique et faire reculer le front chiite.
Les questions de face, d'honneur, de crédibilité intérieure pousseront l'Iran des mollahs à réagir et si le président Rohani a déclaré ne pas vouloir exagérer les tensions, n'oublions jamais que ce n'est pas lui qui commande les opérations militaires, ni la stratégie de la République islamique. La classe dirigeante constate déjà les dégâts de la libéralisation rampante dans les grandes villes iraniennes qui minent les positions sociales du clergé mais surtout celles des milices du régime qui représentent des millions de personnes. Une guerre permettrait de stopper cette dérive dangereuse à terme et assurerait pour longtemps les virements mensuels des soldes et salaires.

L'Iran et Israël sont sur des routes de collision depuis la présidence d'Ahmadinejad. Israël bénéficie pour le moment du soutien quasi-explicite des pays de la péninsule arabique (sauf le Qatar) que menacent les ayatollahs de Qom, ce qui peut inciter les faucons de Jérusalem à saisir l'occasion d'en finir avant que naisse une bombe atomique chiite. Mais la conflagration conventionnelle impliquera à coup sûr les Etats-Unis et tous ses moyens sur zone qui sont puissants. Comme Israël ne pourra jamais s'en sortir seul contre un pays qui sut résister à l'Irak de Saddam Hussein, il est à prévoir que les Marines devront débarquer en phase II sur la rive nord du Golfe persique, mais probablement seuls cette fois ! Nul ne prédit l'issue de cette hypothèse coup de poing qui ne pourra que s'éterniser.

S'il est impossible que les Etats-Unis soient battus, la conflagration ameutera des puissances locales qui verront l'opportunité de régler de vieux comptes, je pense à la Turquie sur sa frontière sud et à la Russie sur le Caucase. La plus sûre des conséquences sera la disparition de l'Europe occidentale du théâtre d'opérations et des enceintes diplomatiques, sauf la France, piégée par un traité militaire d'assistance automatique avec les Emirats arabes unis qui se déclenchera s'ils sont attaqués par l'Iran.

courtoisie Brendan Smialowski


L'Alliance atlantique ne résistera pas à ce vacarme qui dévoilera la même fracture qu'en 2003 lors de la guerre de Junior en Irak. Les pays majeurs de l'OTAN à l'exception du Royaume-Uni, avaient refusé de monter dans le bandwagon des faucons mouillés en route vers Bagdad. L'OTAN jusqu'ici n'avait de justification que par la terreur qu'elle inspirait à nos adversaires, terreur dénoncée par les idiots utiles, agents d'influence du Kremlin, qui n'ont jamais compris comment fonctionne ce deterrent. Le démantèlement de l'OTAN fera croître d'autant les "appétits de justice" du pouvoir russe qui vit encore dans l'humiliation de l'ère Eltsine et veut reconquérir ses marches. Les pays européens du glacis oriental auront du souci à se faire, autant peut-être que la Tchécoslovaquie en 1938. Trump voit-il vraiment ce à quoi le mène sa brutalité ? Je ne le pense pas.

Quant à nous, la tentation sera grande de se rapprocher plus tard de la Russie, signalant par là notre immaturité depuis la guerre civile européenne de 1939-1945 qui nous a jeté dans les bras d'un "protecteur". Avant de "collaborer" avec les empires centraux revenus (Russie et Turquie), organisons nos coopérations, déployons nos capacités de puissance, pensons d'abord à nous muscler. Ensuite, quand seront partis les administrateurs russes issus du KGB, sera venu le temps de coopérer avec des gens qui partageront plus de valeurs avec nous que n'en partage la démocrature russe d'aujourd'hui. Bonne chance à Alexeï Navalny demain au tribunal.


Terminons sur cette chimère de défense européenne dont on va parler en boucle dans un mois quand les entreprises européennes seront attaquées par l'administration Trump. On ne peut pas faire quelque chose de dissuasif et cohérent en Europe sans la Grande Bretagne, la France et l'Allemagne. La première est déjà en dehors de l'épure, il faut donc sortir de l'épure constitutionnelle continentale. La troisième traîne les pieds, mais la fermeture programmée du parapluie atomique américain va peut-être faire bouger les lignes dans l'opinion allemande, car tout se décide là ! Autour de ces trois puissances, on a besoin du Danemark et de la Norvège pour les détroits baltes, des Pays-Bas pour la Mer du nord et de l'Italie pour la Méditerranée. Si les autres veulent venir, pourquoi pas, mais aux conditions des précités. Le risque est néanmoins grand qu'on se perde dans une usine à gaz à vingt-huit comme aiment les monter les fédéralistes et les fonctionnaires de Bruxelles en peine de grandeur.

Demain mardi se réunissent à Bruxelles quatre pays impliqués dans l'accord nucléaire iranien : l'Allemagne, la France, l'Iran et le Royaume-Uni.

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