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Le soft power allemand et le power normal

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NOTE DE SYNTHESE A L'ATTENTION DE NORMALITO AVANT SA SESSION DE RATTRAPAGE A 16H

Il court le bruit qu'un collège d'experts teutoniques s'est penché sur un programme de redressement de la France par le moyen de réformes structurelles à la demande du pouvoir prussien. Lequel a démenti !
Au spectacle de l'incurie socialiste française on peut comprendre qu'il y ait de quoi s'inquiéter outre-Rhin de voir le coq gaulois déplumé et sans couilles¹ se casser en plus la patte ! Ça ferait un grand trou sur la carte routière du marché européen ! Il y a peu de chances qu'aucune des préconisations démenties puissent éveiller ici l'intérêt d'un pouvoir autiste, prisonnier d'une logorrhée obsolète qu'il est le seul à comprendre encore. Tous nos voisins attendent que le Léviathan français dégaze encore en vie parce que mort, la pestilence de sa putréfaction sera insoutenable. Une charogne de 550.000 km² ça empeste politiquement et économiquement ; stratégiquement déjà moins, puisque notre puissance n'est plus qu'un hologramme ! Peu de chances, parce que les deux modèles sociaux du fameux attelage qui tirerait le char européen sont incompatibles par construction, l'un est financé, l'autre non.

1881 : le nouveau central Siemens à Berlin
L'Allemagne qui a mis du temps à analyser un trou d'air de presque 50 ans s'est convaincue de revenir à ses fondamentaux qui ne sont ni bellicistes ni impérialistes. Depuis la Libération, tous les chanceliers prônèrent le profil bas, le chancelier Schmidt ne se déclarait-il pas confortable avec un certain nanisme politique qui lui ôtait tant de soucis, et Schröder était ouvertement pacifiste, misant tout sur la Deutschland AG pour maintenir le pays à son rang historique. La grosse erreur de trajectoire du pouvoir allemand date de la fin du XIX° siècle (1890). Qu'était alors l'Allemagne ? Une mosaïque d'Etats réunifiés depuis seulement dix ans qui s'était jetée dans l'industrie et la recherche à tout crin :
Après avoir édifié un modèle social qui fera des petits chez les autres nations (pensions de retraite et d'invalidité, assurance-maladie), l'Etat se prévalu du "Consensus de Berlin" pour centraliser la construction d'infrastructures de développement économique et celle d'instituts de recherche puissants. Dominants en sidérurgie, chimie et en électricité, ils étaient les fournisseurs de tous leurs voisins, et amassant du capital par ce commerce, ils parvinrent à manger leur taggesuppe sur la tête des grandes banques anglaises avec la Deutsche Bank devenue premier établissement mondial à la fin de 1913. Leurs universités étaient réputées jusque pour l'étude des langues romanes ou du grec antique.
A trente ans de vue, chacun leur prédisait le majorat européen avec un Etat-providence garant de la paix sociale, des industries de pointe dans tous les domaines et des banques opulentes graissant tout le système. Une prospérité pour longtemps.
Au lieu de quoi l'année 1920 découvrit un champ de ruines à tous égards, matériel et mental. Que s'était-il passé ? La formidable énergie allemande, infectée de l'hybris, avait été déviée vers une hégémonie politique en Europe, et vers la mise au défi des grands empires coloniaux français et britanniques qui étaient ses premiers clients. Ses clients se coalisèrent pour ne pas être mâtés. On sait la suite.
Aurait-elle persisté dans sa supériorité technologique qu'elle serait devenue indispensable à tous et sans doute leur amie. Mais les hommes sont ainsi faits qu'ils prennent souvent la grosse tête !

la Frauenkirche de Dresde
La leçon n'a pas été perdue. Les chanceliers et les industriels d'après-guerre n'ont eu de cesse de retrouver l'âge d'or, avec obstination et courage, usant de tout ce qui passait à leur portée qui leur soit avantageux, marché commun pour leur industrie, réunification de leur espace, pacte gazier russe, monnaie commune, privilèges en Chine.
Ils savent aussi qu'ils ne peuvent pas être grands tout seuls. Et l'Europe les inquiète. L'hégémonie économique indiscutable et solide d'aujourd'hui n'est-elle pas en train d'imiter la course prussienne à l'hégémonie politique de jadis ? Oui ! mais sans les millions de morts. Le paternalisme d'antan qui créa une nation solidaire et vaillante doit-il être appliqué maintenant à l'espace de chalandise allemand, pour faire simple, à toute l'Europe occidentale continentale ? A-t-on dévié comme en 1898 (première loi d'armement naval) ? Le débat est lancé en Allemagne entre les partenaires du "riches entre soi" et ceux d'une Europe allemande généreuse mais berlinisée. Dans les deux cas, ils sont bizarres ces mecs, c'est à l'Allemagne que pensent d'abord les Allemands. Que voient-ils des économies partenaires ?

Si l'Espagne est sortie d'affaire par l'effondrement de ses coûts de production qui vont relancer la machine économique ; si l'Italie, partenaire industriel historique, accumule les réformes à marche forcée et va bientôt convertir son excédent structurel en croissance ; la France, partenaire politique à contrecoeur, prend la forme d'une baleine échouée sur la plage ! Le gouvernement de Paris donne chaque jour un peu plus l'impression de touristes ahuris, toujours aussi fanfarons. La dernière mise en musique du choc de compétitivité française sur 2014 et 2015 les laisse sans voix ! D'autant que l'embellie attendue de la politique chamanique de l'Elysée convoque l'Allemagne dans tous les compartiments du jeu stratégique (relance budgétaire, mutualisation des dettes, submersion des déficits par le MES, crédits européens). Il n'est pas étonnant qu'à l'image de ce qui s'est fait pour la Grèce, l'Allemagne demande des comptes plus que des contreparties, elles les a déjà toutes.

la Frauenkirche de Dresde


La chancelière entre en campagne dans deux mois. Son inclination est de mettre Bruxelles à sa botte en contraignant la Commission aux réalités dans son projet budgétaire, dans la supervision bancaire continue, dans la réduction des déficits nationaux, dans les choix de développement sur crédits communs. Même si l'austérité conduit à une récession, elle considère qu'elle est déjà là et que les mesures drastiques préconisées par Berlin ont porté leurs fruits chez des petits pays, au tour des grands ; reste la France, le maillon faible, l'homme malade. Le naufrage français peut-il emporter la reprise européenne ? Certainement puisqu'il est sûr, tant que les mesurettes de ce gouvernement n'auront que l'ambition de régler le bas de bilan et jamais le haut, les fonds propres, les capitaux permanents, la structure étatique.
La seule façon pour l'Allemagne de forcer la France à prendre les mesures nécessaires pour sauver le marché commun est de passer par les agences de notation, comme elle le fait en politique en passant par la Commission. L'Allemagne va-t-elle nous jouer le mauvais tour de faire monter le spread² pour nous obliger à réduire la dépense publique ? C'est cette valeur qu'il faut surveiller, plus que les "déclarations communes" destinées aux journaux.


(1) Un pays où l'on brûle impunément plus de trente mille voitures par an pour faire la fête n'en a plus.
(2) La marge actuarielle ou spread d'une obligation (ou d'un emprunt) est l'écart entre le taux de rentabilité actuariel de l'obligation et celui d'un emprunt sans risque de durée identique. Le spread est naturellement d'autant plus faible que la solvabilité de l'émetteur est perçue comme bonne.

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