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Au soleil couchant du Languedoc - retours (2/4)

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Le cimetière de Saint-Roman de Codières n'a pas de tombe Marchand. Et pourtant le vainqueur de Fachoda (1898) dormit plusieurs années dans la tour de l'ancien château féodal, au flanc de Raymonde de Serre, fille du comte de Saint-Roman qu'il avait épousée en quittant la Coloniale. La guerre de 14 lui donnera les étoiles de général de division après s'être battu partout et avoir traversé plusieurs fois l'hôpital militaire. Il est mort à Paris d'une bronchite comme tout le monde.


Le petit cimetière, contigu à la modeste église et coincé entre la route départementale et le ravin, est "complet". On y enterre donc les Romanois dans les allées, transformées en sentier d'un pied devant l'autre. Il y a malgré tout des fleurs fraîches, cueillies sur les chemins, et la nef de l'église en pierres apparentes, sans décoration aucune - le pays fut un haut lieu parpaillot - est briquée comme un sou neuf. Entre la Fage (930m) et le Liron (970m) la vue s'échappe au soleil levant jusqu'à je ne sais où, tant elle porte loin en direction de Nîmes, et au couchant, jusqu'au Larzac où le Truc d'Alzon marque l'accès au plateau. Il y faut de bons yeux et pas d'humidité au-dessus du Vidourle à l'est et de l'Hérault à l'ouest.

En bas, Saint-Martial (fief de la maison d'Anduze) était vide, rues et maisons ; pas un chat, un vrai chat, j'entends un raminagrobis ! Mais aucun cadavre abandonné dehors indiquait autre chose qu'une attaque à l'anthrax. C'était le Quinze-Août à Sumène, la plus grosse fête de l'arrondissement avait vidé le canton, à tel point que les églises avaient été verrouillées, ce qui n'arrive jamais en Cévennes. Moins de cohue sur le Plan que dans mes souvenirs et malgré une jeunesse délurée, beaucoup de tabac à rouler(?), il manquait cette année les Suisses, les Hollandaises et surtout les Anglaises torrides. Des Belges, partout des Belges, même à la tour de Saint-Roman ! S'est-il passé quelque chose de grave en Belgique qu'on les ait tous ici ?

Si les orchestres furent moyens-moyens, le feu d'artifice fut grandiose, digne d'une sous-préfecture et tout le monde s'en souviendra longtemps. Au petit matin, un dernier caoua à La Rose, le Wurlitzer d'époque ne marche toujours pas, j'aurais mis Sing the Blues d'Aretha Franklin - mais je vous le mets en mp3 plus bas - et on charge le coffre de la voiture vers Saint-Bauzille de Putois en direction de la plaine aux vins. Si un lecteur n'a pas vu la Grotte des Demoiselles à Saint-Bauzille, qu'il consulte sa voyante attitrée pour y aller avant que de partir dans l'au-delà. Le souvenir lui manquera certainement pendant les psaumes interminables du Paradis.


Today I Sing The Blues, Aretha Franklin


Il n'y aurait rien à remarquer sur ce trajet qui coupe la garrigue de Viols-le-Fort et Puéchabon vers Aniane, porte d'entrée des domaines viticoles de production, si ce ne sont plus bas les champs de tournesol sur des vignes arrachées et les silos de trituration qui sont apparus dans le paysage. Mais je ne peux passer sous silence la nouvelle limite de vitesse à 80km/h qui fait rouler tout le monde en convoi au même rythme que les camions. Vu le profil chahuté de la route, les platanes à ras et son étroitesse, les reprises des camions en côte sont un supplice et les tentatives de les doubler un risque à prendre, mais plutôt pas, sauf en Maserati ! Les fonctionnaires qui ont fait de savants calculs de "retards mineurs d'horaires" et de "treize mètres de sécurité" n'ont pas compris que le trafic se faisait désormais à l'allure des camions, qui ne se doublent pas non plus, agglutinant des convois dangereux. Tout ça pour trois cents morts prétendument victimes de la vitesse sur les départementales ? La fébrilité au pouvoir et le déni de liberté qui monte chaque année un peu plus.


C'est Narbonne déjà, comment déjà ? Nous nous sommes arrêtés au McDonald de Pézenas, contraints et forcés. Sur l'avenue de Verdun, un gamin, haut de trois pommes, a sauté du trottoir quasiment dans les roues. Alfa monte des Brembo d'usine qui l'ont sauvé. A demi morts de peur, nous avons relevé le petit à dix centimètres de la roue quand deux levantines surgirent du McDonald en criant. Je vis la croix au cou tout de suite ; nous avons dégagé l'auto sur le parking du fast food. Un Cheeseburger/Coca zéro plus tard, nous parlions de Beyrouth et de Hariri, de Chirac et de l'indéfectible amitié franco-libanaise. Leurs maris travaillaient au pays pour leur payer le mois au Cap d'Agde. Elles allaient au Salagou avec les gosses qui apparemment ne les avaient pas vraiment déformées. Pas mal de conversation l'une et l'autre. Bref... bref... le programme, ce p... de programme. On ne s'est pas fait la bise mais ce fut tout comme, et je partis en maudissant l'horaire augmenté par Edouard Philippe. Bien sûr qu'elles avaient besoin de nous, nous, les bons samaritains pour une fois raccord avec les Écritures...

Tiens, le vent souffle, on entre en pays cathare et c'est ici que tout commence de ce voyage aux sources. Sur la départementale D119 qui s'embranche à Carcassonne en direction de Foix, on remonte le temps. Montréal, Fanjeaux, Mirepoix, on entend le bâton des Parfaits battre la pierre et maudire le siècle de l'illusion maléfique, notre siècle. Toutes ses petites villes ont entendu les bûchers hurlants crépiter au nom du message apostolique de la puissance romaine. Si l'on veut mesurer ce que fut l'épopée cathare en Occitanie, il faut relire l'appel de Raimond V de Toulouse au Chapitre général de l'ordre de Cîteaux à l'intention du roi de France Louis VII, son suzerain au-delà des terres gasconnes du roi angevin Henri II d'Angleterre auquel la répudiation d'Alienor d'Aquitaine par le sus-dit gros malin, avait apporté la belle Aquitaine. C'était dix ans seulement après le grand concile cathare de Saint-Félix du Lauragais (1167) qui créa la stupéfaction chez le haut clergé français. Des églises organisées dotées d'épiscopes recoupant les diocèses carolingiens étaient nées sous leurs yeux wide shut !

Cette pestilentielle contagion de l'hérésie s'est tellement répandue qu'elle a jeté la discorde chez ceux qui étaient unis, divisant, hélas, le mari et la femme, le père et le fils, la belle-mère et la bru. Même ceux qui sont revêtus du sacerdoce sont corrompus par son infection. Les antiques églises que jadis l'on respectait sont abandonnées et tombent en ruines. On refuse le baptême, l'eucharistie est en exécration, la pénitence est méprisée, on nie obstinément la création de l'homme et la résurrection de la chair ; tous les sacrements de l'Église sont réduits à néant et même - ô sacrilège ! - on prétend qu'il y a deux principes ! Quant à moi, je reconnais que les forces me manquent pour mener à bien une affaire si vaste et si difficile, parce que les plus nobles de ma terre sont déjà atteints par le mal de l'infidélité, entraînant avec eux une grande multitude de gens qui ont abandonné la Foi...»


Si la prolifération de l'hérésie s'explique par la mise en cause générale en Europe de la sainte Eglise catholique et romaine, percluse de richesses, de stupre et de scandales dans ses mœurs, la protection que lui apportèrent quasiment tous les barons occitans ne peut s'expliquer par leur conversion - on ne les voit pas refuser l'amour charnel et la consommation de gibier pour faire court. Il y a autre chose. L'affirmation d'une civilisation méridionale plus fine, plus avancée que celle des Français - la ménestrandie est en pleine production - civilisation qui méritait qu'on la défende contre les grossiers barons du nord et la paillardise du bas-clergé local.
La croisade des Albigeois se chargera de leur montrer qu'ils avaient eu raison de se méfier des nouveaux Huns. Mais le danger ne venait pas réellement d'où ils l'attendaient : c'est l'éradication des hérétiques par la police religieuse des mœurs et des idées qui vint à bout de leur particularisme, avec beaucoup de paille et de poix. Le peuple, plus souvent sympathisant que converti, horrifié de voir sa parentèle ou ses voisins flamber sous l'ombre penchée de la croix, s'en souviendra longtemps, jusqu'à ce que lève sur un terreau fertile la semence de la réforme protestante, du Béarn aux Cévennes et plus loin. Les Protestants ne firent aucun cadeau et la vengeance fut pour le coup consommée froide ! En lisant des ouvrages sur la croisade, j'ai noté que les patronymes des Parfaits capturés par les inquisiteurs existent toujours dans la région. Cela aussi les rapprochent de nous.

Quelle crise des vocations ?

Mais ce pays est aussi le "Pays de la Frat" ! Cette hérésie moderne qui simplement refuse les décisions du concile catholique Vatican 2, s'est établie entre Montréal et Fanjeaux, au cœur donc du pays cathare, et profite de la sympathie des populations qui apprécient ses écoles, sa tenue irréprochable et le travail que la Fraternité donne aux artisans locaux. Le pensionnat Saint-Joseph des Carmes n'a-t-il pas confié à un maçon de Montréal la construction de sa nouvelle église ? D'autres communautés religieuses, fatiguées des errements de l'Eglise moderne en voie de désertification, sont en symbiose avec la Fraternité mais nous ne les dénoncerons pas, des fois qu'un catholiban* lise ces lignes. Comme partout, la Fraternité sacerdotale saint Pie X manque de place quand le diocèse régulier en a trop !

(*) Il y en a beaucoup dans la roycosphère

Pour finir en guide touristique, sur la route de Foix, arrêtez-vous à La Table Cathare de Fanjeaux ; on ne peut pas la rater après le virage à gauche en ville, et ce n'est pas une auberge végétarienne car elle enfreint les règles évoquées par son nom : le Bon Chrétien ne mange pas ce qui est produit par un coït ! Le menu ci-dessous en dit long sur une "supercherie gastronomique" bienvenue.


"Demain" on part pour le Béarn.



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