Don Luis à la Féria de San Isidro |
Avant même qu'il ne prenne la présidence de la Fondation nationale Francisco Franco, laissée vacante par le décès de sa grand-mère, fille du dictateur défunt, il était intervenu dans le champ politique espagnol avec une certaine autorité à l'occasion des affaires catalanes. Il faut dire que c'est un athlète portant beau, ce qui plaît bien aux Espagnols qui n'ont pas les mêmes goûts que nous. Nous sommes des cérébraux donneurs de leçons, ils sont des bretteurs qui portent les coups. A choisir pour le gouvernement des hommes entre l'athlète et le penseur, j'inclinerais pour l'athlète, surtout aujourd'hui où tout se fait en réaction immédiate au défi relevé.
Son compte personnel Facebook nous signale qu'il prend fait et cause pour les employés de la Radio-télévision espagnole menacés de purges par le nouveau gouvernement socialiste du président Sanchez et il soutient à nouveau les Espagnols catalans. Il perturbe la manif de la Diada en mettant l'hymne national à fond depuis son balcon. D'une certaine façon il réveille le franquisme qui dort chez beaucoup, fatigués des compromissions de la Casa Real avec les Cortes de Madrid, famille royale régnant par ordre du Caudillo, qui laisse faire tout et n'importe quoi sans rien dire, par le mémoricide de la guerre civile. Il semble à tous évident qu'en supprimant la visibilité des souvenirs de cette époque, la nouvelle nomenklatura veut gagner dans la rue la guerre qu'elle a perdue dans les livres d'histoire. D'où la demande d'exhumation de Franco dans la basilique en Valle de Los Caídos. Nous avons déjà suggéré de murer le mausolée sans rien y toucher, jusqu'à la fin de l'éternité. Le monument tiendra le coup jusque-là plus longtemps qu'une pyramide de Gizeh.
La vigueur avec laquelle Don Luis Alfonso défend l'héritage s'explique par l'histoire de sa jeunesse. Ayant perdu son grand frère sur la route, puis son père sur les pistes de ski, il s'est retrouvé à quatorze ans seul dans une société de femmes, sa grand-mère au quotidien et sa mère surexcitée en vacances, qui lui ont inculqué le respect du grand aïeul pour tout ce qu'il fit de positif dans ce pays, à commencer par les ponts, les barrages, les trains, l'industrie, la mise en valeur de la côte méditerranéenne et le respect obtenu sur la scène internationale malgré la paix des grands cimetières sous la lune ; jusqu'à ce que le général de Gaulle, chassé du pouvoir à Paris, vienne lors de sa tournée d'adieu au monde, rendre visite dans un parador au vieux dictateur toujours à poste, lui.
Don Luis Alfonso vibre pour l'Espagne. C'est un patriote. Il y a fait son service militaire dans l'Armée de l'air, aime Las Fallas de Valence, les courses taurines, suit les tournois de polo auxquels plus jeune il a participé, accompagne son épouse dans les concours hippiques où elle se défend bien (sa femme a du sang de conquistador), il adore ses gosses et les protège par une communication très maîtrisée. C'est un bel hidalgo que les magazines n'oublient pas parce qu'il a l'allure et l'assurance que les femmes adorent. Ses affaires à Madrid sont florissantes* au point qu'elles déclenchent des contrôles fiscaux ; il gère avec application la fortune léguée par sa grand-mère parce que c'est son métier et finalement, il n'a rien à prouver. Aussi est-ce en souvenir de la chimère française que son père chevaucha avant lui qu'il vient encore en France pour répondre aux invitations de l'Institut de la Maison de Bourbon ou de Présence du Souvenir Bourbonien. Hier dimanche aux Invalides il a suivi la messe annuelle de dédicace, revenant de Chisinau où il a participé à la cérémonie d'ouverture du XII Congrès Mondial des Familles par un discours très remarqué qui mérite d'être lu en cliquant ici. Il plaît chaque fois aux officiels et à l'état-major car il a de la gueule en étant très convivial : il en a reçu les épaulettes de capitaine de corvette de la réserve citoyenne.
(*) Selon le registre du commerce (BORME) il est administrateur de Borcorel SL dont l'objet social est la construction, la réparation et la maintenance d'ouvrages en tous genres, de la International Transaction System SL faisant du conseil informatique et surtout de Borvar Inversiones SL dont les actifs 2016 étaient valorisés à 9.130.657,94 euros (source El Español).
Avec son épouse aux obsèques de sa grand-mère |
Le eres nuestro rey de partisans prêts à se battre pour l'héritage qui est le sien, le motive certainement plus que nos "vive le roi" un peu folkloriques dans une République qui se défend mieux encore que la monarchie espagnole. Celle-ci est en danger, de plus en plus discutée pour sa mollesse. Les jeunes souverains font le job à la danoise, tout en photos convenues et reportages ennuyeux, mais la monarchie danoise est fondée sur des bases extrêmement solides, ce qui n'est pas le cas à Madrid. C'est le paradoxe du règne des Bourbons, rappelés par le Caudillo, mais qui refusent en même temps de s'impliquer dans le débat éthique. Ce retrait de la main dans le gant dévoile l'inutilité du dispositif en pratique, d'autant que la vertu d'unification du modèle est mise en pièces par les revendications d'indépendance des trois provinces importantes que sont la Galice, le Pays basque et la Catalogne. Les foules furent un temps juancarlistes par sentimentalisme plus que vraiment royalistes, jusqu'à la chasse à l'éléphant et les maîtresses du roi ! La fonction a été abaissée. Comme s'en plaignait jadis Ferdinand VII : comment gouverner un pays de dix millions de rois ! L'Espagne en a aujourd'hui quarante et c'est la meilleure définition de la République. La journée de la Diada Nacionalà Barcelone a réuni mardi dernier un million de Catalans républicains ! Il n'y a pas grand chose à ajouter sinon que les locomotives économiques du pays dédaignent le roi d'Espagne. Tout peut arriver.
Dans ce tumulte et compte tenu du tempérament offensif de Don Luis Alfonso, un rôle s'offre à lui, créé par l'amoralité des pouvoirs, celui de mainteneur des valeurs franquistes en débordant sur toutes les valeurs de tradition. Ce rôle est difficilement compatible avec tout autre et sans doute occupera-t-il le temps libre laissé par ses affaires professionnelles. D'où son retrait possible et progressif mais non confirmé des affaires françaises. Certains légitimistes s'offusquent de son affichage compromettant socialement, même si au fond ils partagent ses valeurs. Avant même de connaître les intentions du duc d'Anjou, les Orléanistes se réjouissent à grand bruit de sa dérive franquiste leur indiquant un retour sur ses bases espagnoles. Ils oublient un peu vite que c'est la décadence de la Maison d'Orléans qui a créé les conditions suffisantes pour importer l'aîné des Capétiens dans le schmilblick français. L'espace laissé par le déclassement de la maison royale historique presque ruinée par le goût de l'intrigue, la naïveté et l'orgueil du défunt comte de Paris, fut comblé en dénonçant seulement la paix d'Utrecht¹ et en rappelant les Lois fondamentales du royaume de France, toutes choses étrangères à la Monarchie de Juillet. On peut rire d'entendre les hérauts de l'Usurpation brandir aujourd'hui ces lois contre les prétentions espagnoles sachant combien souvent Orléans les a piétinées.
Alphonse, le chaînon manquant... |
L'Infant d'Espagne et duc de Cadix, Alphonse de Bourbon, serait-il encore parmi nous qu'ils en rabattraient de beaucoup tant il leur était supérieur et d'abord en gestion de projet. On oublie qu'il eut la volonté affirmée de faire renaître en France le projet capétien au moment du millénaire décidé par François Mitterrand en 1987, lequel ne l'a jamais bridé dans sa progression (on sait pourquoi), et qu'il décréta un véritable bureau politique staffé et financé, projeté jusqu'en province par des relais motivés. Son CV très complet n'a pu être égalé encore par aucun de ses concurrents, ni par son fils d'ailleurs pour l'instant. A sa mort, la famille Bauffremont roula ce projet exigeant aux archives et repartit sur de pieuses bases mondaines, moins prenantes et moins délicates à négocier avec les Renseignements Généraux...
La démarche de contestation de Don Luis Alfonso pourrait ressembler bientôt à la contestation carliste qui défend Dios, la patria, los fueros y el rey et qui devrait réjouir le régent de la Comunión Tradicionalista, Sixte-Henri de Bourbon Parme, en lui apportant le renfort de l'aîné des Capétiens ; mais nous savons sa haine des Isabélitains² pour douter de son ralliement, d'autant qu'il a caressé, dans un entretien donné à la presse (Nice Matin), l'opportunité d'un hypothétique couronnement de lui-même par défaut de légitimité de tous les autres. C'est dommage ; ils gagneraient tous les deux à une réunion des carlistes à l'aînesse des Capétiens. Rien ne les sépare plus.
Les docteurs de la loi qui tranchent et coupent en lieu et place de l'héritier pourraient, si nécessaire, basculer le projet légitimiste sur le jeune duc de Bourgogne, Louis, d'autant que son père a usé d'insinuations en ce sens lors de la présentation des jumeaux aux Invalides au temps de l'Institut Duc d'Anjou, et qu'il a répété son assurance de continuité de l'histoire dans un bref échange publié par Point-de-Vue en juillet dernier. Quoique décide le duc d'Anjou pour son avenir en France, l'âge venant, l'expérience socio-politique accumulée créera en lui un repère de sagesse s'il le veut, et sans doute plaira-t-il à certains, dont je serai si Dieu me prête vie, de demander audience à l'aîné des Capétiens, Bailli grand-croix de dévotion de l'Ordre souverain de Malte et grand maître des ordres royaux disparus, pour en recevoir les conseils et les apaisements, comme on irait rencontrer au Mont Saint-Michel le roi de vitrail qui nous manque terriblement. C'est un joli voyage que celui de Madrid.
Courtoisie de La Couronne (humour) |