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L'affaire Mahé

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Firmin Mahé
Il s'agit de juger aujourd'hui quatre militaires de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire qui ont retiré définitivement de la circulation et sur ordre, un coupeur de route, ainsi que l'on nomme aujourd'hui les brigands de grands chemins sans foi ni loi. Il s'appelait Firmin Mahé et mourut étouffé au sac plastique le 13 mai 2005 dans le VBL qui le ramenait à Bangolo (zone tampon), au cantonnement PRIAC (Peloton de reconnaissance et d'intervention antichar). La chaîne de commandement est impliquée, même si le général commandant l'expédition jure ses grands dieux qu'il ignorait tout, ce que personne ne croit.
La corrélation entre les exactions qui ont motivé l'arrestation et le prévenu n'est pas sûre à 100%. Un Nestor Mahé coupait aussi les routes, disent les villageois. Les détails de la "bavure" ont été ressassés par la presse entre deux couacs du gouvernement, nous n'y revenons pas. L'affaire Mahé est exemplaire à deux titres : la nature de la mission, l'usurpation de pouvoir.


La mission: Il n'est jamais bon de confier des opérations de gendarmerie à des troupes militaires, jamais et nulle part. Le comportement récurrent des armées africaines le prouve à l'envi ; c'est toujours pire pour les populations. Engager des moyens de mêlée dans le maintien de l'ordre ressortit à la fable de L'Ours et l'amateur des jardins. La pierre écrase la mouche ! Maintenir l'ordre c'est un travail d'intimidation, d'enquête, de mesure, presque de finesse, qui réclame beaucoup de retenue dans l'action. Les forces de police y sont rompues, pas les forces armées. C'est pour cette raison qu'on n'engage jamais chez nous l'armée dans des échauffourées urbaines. Même en mai 1968, ce sont les unités de la PP, les CRS et la Mobile qui ont fait tout le travail. Des éléments de la 11°DLP vinrent à Paris garder les ministères et administrations sensibles dévêtues de leur sécurité organique, mais n'apparurent jamais sur le "front" de l'émeute. Ils étaient d'ailleurs en treillis retaillé et béret fantaisie amarante sans aucune protection individuelle pour ne pas décourager les parisiennes.
Ceci dit, déclasser les forces armées en outil de pacification des populations civiles finit généralement mal. Que l'on pense au contrôle des territoires en Afrique du Nord, et dans nos anciennes colonies africaines. Une compagnie de combat est construite et instruite pour le choc, s'en distraire amène à baisser la garde et à se laisser surprendre en situation. Reste qu'un coup de pouce militaire aux opérations humanitaires n'est pas interdit non plus. Mais une armée est payée (par le contribuable) pour faire la guerre. Sinon pas besoin d'armée !

L'usurpation est toujours une réaction à une insuffisance: Les autorités judiciaires auraient-elles assumé correctement leur fonction que le coupeur de route leur aurait été remis. C'est la déréliction des pouvoirs de justice qui laisse penser que les problèmes seront réglés à moindre frais, peines et soins par une exécution sommaire. La pédagogie sur la zone d'effort est mauvaise, la force primant le droit des deux côtés. Dans ce cas précis, le retour de Mahé à ses activités criminelles aurait fatalement croisé l'ogive en pleine tête d'une patrouille le surprenant. Mort au combat, no problemo.
A partir d'un certain grade, tout détenteur de la force intellectualise son pouvoir et naturellement pallie les carences constatées dans son environnement, à moins d'être fonctionnarisé. Il n'est pas facile de résister à cet appel de l'efficacité. On a tourné beaucoup de films sur le syndrome du justicier obligé.

Si les exécutants de ce crime peuvent invoquer les circonstances atténuantes de l'ambiance en insécurité et des souffrances de la population, il n'empêche qu'ils ont usurpé un pouvoir qui leur est interdit d'exercer. Il ne fait pas de doute que la chaîne de commandement est coupable, depuis le commandant-en-chef ainsi que l'a confirmé son propre adjoint par euphémisme, "le colonel Burgaud a reçu du général Poncet l'impulsion pour que Mahé n'arrive pas vivant", jusqu'au chef de patrouille au contact.


L'armée en guerre ou rien: S'il pouvait sortir de ce procès que nos troupes n'ont rien à faire dans de fausses guerres à la mords-moi-le-noeud dans lesquelles nous devrions plutôt engager notre gendarmerie pléthorique, nous aurions fait un grand bond d'intelligence. Il ne serait pas inutile non plus d'améliorer notre analyse des motifs d'intervention, notre "stratégie", mais ça c'est la politique britannique du quant-à-soi qui ne sort l'épée que pour trancher dans le vif sans restrictions d'aucune sorte, à tel point qu'ils sont les plus craints sans avoir besoin de menacer.
Dans le nouveau formatage de nos forces armées, le recadrage des missions générales doit fonder la réflexion. Arrêtons de jouer au gendarme du monde. Un voeu pieux sans doute, tant notre propension à guider les autres est pressante, et en Afrique d'abord. Gardons-nous de remettre les pieds au sol au Mali, ça nous fera autant de critiques en moins plus tard.



Quel régiment prendrait la devise du 501°RCC aujourd'hui ?
"EN TUER"



Postsriptum de 17 heures:
Le verdict de la Cour d'assises de Paris est tombé :
. le colonel Eric Burgaud, 5 ans avec sursis
. l'adjudant-chef Guy Raugel, 4 ans avec sursis
. le brigadier-chef Johannes Schnier, 1 an avec sursis
. le brigadier Lianrifou ben Youssouf, acquitté




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