Tout à l'heure à Berlin, les autorités allemandes et françaises célébreront le cinquantenaire du Traité de l'Elysée et en creux le triomphe dérangeant du IV° Reich. Un article est paru dans l'Action Française 2000 du 17 janvier dernier sous le même titre, n°2855 p.8) mais pas avec ce chapeau spécifique "blogue". Il entre en archives RA. Le voici pour les abonnés absents.
Dans Le Figaro de dimanche, Valéry Giscard d'Estaing déplorait l'absence de projet européen franco-allemand. Il milite pour une fédération Europe-Unie des pays de l'Eurogroupe qui achèverait l'harmonisation monétaire, budgétaire et fiscale. La procédure qu'il retient serait de travailler au projet déjà entre Paris et Berlin, puis de partir le vendre de capitale en capitale. Il oublie de demander l'adoubement populaire d'une évolution institutionnelle décisive, même si l'identité nationale resterait intacte à son avis, après que ces domaines auraient été dévolus à Bruxelles, puisqu'elle participe de souverainetés plus subtiles, comme le mode de vie, l'organisation sociétale (éducation, santé, protection sociale), le droit des personnes, domaines qui, eux, resteraient la propriété insaisissable des nations. Il minimise aussi la divergence d'axes et cet agacement réciproque qui affleure parfois. L'Allemagne a "son" projet, la France prend le train, descend du train, remonte dans le train mais ne conduit aucun train (20.01.12).
Allons-nous vers une rivalité démographique des grands pays d'Europe occidentale ? Le croisement des courbes nationales de natalité donnent à l'horizon 2050 la République fédérale ex-aequo avec le Royaume-Uni à 74 millions d'habitants, suivis de la France à 71 millions. Malgré la continence allemande, ce bloc des trois "grands" fera 43% de l'Union européenne actuelle et écrasera littéralement le reste, l'Italie stagnant à 61 millions. Les projections au-delà ne sont pas vraiment sérieuses. Il est probable que le sous-continent sera gouverné par ce triumvirat qui agrégera quelques "clients" pour s'imposer en toutes circonstances aux autres partenaires et aux débris de la Commission européenne. Reste le dosage.
Le Traité de l'Elysée, dont nous fêtons dans six jours le jubilé, organisait une collaboration franco-allemande dans les domaines culturel et politique dont il ne subsiste que le décor et des sourires forcés. L'époque était au miracle économique d'un nain politique coupé en trois par les hasards de la victoire alliée, miracle que récompensait la grande puissance morale du monde en lui octroyant la parité sur le pavois des chefs. C'était avant le Mur ou plus précisément avant le chancelier Kohl. Avec un sens aigu de la manoeuvre qui, disait Napoléon, est un art tout d'exécution, le chancelier peu disert fit l'anschluss de sa soeur orientale à la barbe des alliés, se transporta à Berlin, et mit quelques semaines à formuler une garantie sur la frontière Oder-Neisse qui le séparait de l'ex-Prusse orientale. Le nain était mort. Nous étions en 1990, Mitterrand régnant, la France ne savait comment accepter cette surprenante émancipation ; outre-Manche, Margaret Thatcher y était carrément hostile. Pour le bien de l'Alliance, avant que la nouvelle République fédérale ne poursuive sa marche au soleil levant, les occidentaux sauvèrent les apparences en se retirant de Berlin et les Soviétiques acceptèrent une montagne de deutschemarks pour se taire. Le Traité de l'Elysée entrait au musée des traités.
Une nation pacifiste qui règle ses problèmes chez elle
Malgré l'illusion d'une collaboration renouvelée en façade à chaque alternance politique qui aurait dû faire s'interpénétrer les deux peuples, les Français jugent mal l'Allemagne actuelle, qui, il est vrai, n'est pas leur destination favorite de vacances. L'ogre menaçant dont les chars marchaient à l'eau du robinet n'existe pas, le pays s'est transformé. Rentré en lui-même, libéré de toute diplomatie, il s'inscrit dans une problématique mondiale où son industrie excelle mais qui lui dicte beaucoup de préventions quant au destin d'une planète finie surexploitée. Aussi l'Allemand ne fait-il pas d'enfants. La «contrainte morale» exprimée par Malthus d'un juste apportionnement des ressources et des besoins obtenu par la continence maritale des défavorisés est généralisée à tous dans l'Allemagne actuelle : quel avenir pour nos enfants sur une planète surpeuplée en proie aux guerres asymétriques et aux revanches de tous ordres, et lourdement pénalisée par le réchauffement climatique que nous avons provoqué ? A vue d'homme, aucun !
TR Malthus |
Un déclassement durable du partenaire français, égal au départ
Coupé Maybach |
Que subsiste-t-il du concept originel au jubilé du traité de l'Elysée ? Cette visite obligée à la belle-mère chaque année dont il ne sort rien que des communiqués rédigés par avance que personne ne lit, et du champagne pour tout le monde. Le Traité de l'Elysée fut signé par le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer le 22 janvier 1963 à Paris. Cette réconciliation formelle fut préparée dès le retour au pouvoir du général de Gaulle, alors que les deux économies étaient comparables et que le nouveau franc français, issu de la dévaluation de décembre 1958, valait 0,855 mark allemand (l'ancien franc était pratiquement à la parité de cent pour un). L'année 1960 sera le point d’origine de toutes les comparaisons franco-allemandes. Cinquante ans plus tard le franc vaut 0,298 marks (-65%) et on le dit surévalué ; le retard de notre PIB est de 30%. L'Allemagne a reconstruit son économie à la taille qu'elle avait à la Belle Epoque relativement aux autres, et elle a rénové tous les länder orientaux récupérés en ruines en 1990. Ses comptes sont aujourd'hui à l'équilibre avec un commerce extérieur "triomphant". A l'inverse, nous subissons les trois déficits majeurs (budgétaire, commercial et social) écrasés que nous sommes par un Léviathan étatique qui saigne le pays comme les médicastres de Molière leur patient ! Les comparaisons seraient cruelles et déplacées lors de la célébration du cinquantenaire, mardi prochain à Berlin. On s'y taira.