Où l'on entrevoit une possible solution pour que la France retrouve son roi : faire abstraction de ce qui est, de ce qui fut, pour envisager ce qui pourrait advenir… Sans idée préconçue…
Avertissement : Ce billet a paru dans Le Lien légitimiste n°68 de mars-avril 2016. Un royaume décentralisé tel qu'il est ébauché ci-dessous aurait mieux résisté à la Révolution parisienne de 89. A force de tout ramener à Paris, on a pu tout commander à partir d'un seul bouton sous la main du roi. Il a suffi d'enlever cette main et d'en mettre une autre. La marche à la centralisation royale a ruiné la charpente féodale qui tenait tout. Si les grands féodaux avaient été respectés dans leur système "foi et hommage" jusqu'au plus petit des tenanciers (comme en Languedoc), des provinces entières auraient échappé aux calamités révolutionnaires.
Lors de la Révolution culturelle en Chine, qui fut un énorme désastre, certaines provinces (comme le Yunnan) restèrent à l'écart. Les Brigades de gardes rouges furent stoppées en frontière intérieure par le général commandant le gouvernorat sous peine d'être purement et simplement fusillés sur place. Certaines des provinces basses du Tibet impérial (rattaché) purent ainsi rester à l'écart des dévastations morales et matérielles.
Le jacobinisme centralisateur est utile pour changer de régime mais il faut l'abandonner immédiatement après. Ce billet entre en archives RA sous le libellé LLL.
Lors de la Révolution culturelle en Chine, qui fut un énorme désastre, certaines provinces (comme le Yunnan) restèrent à l'écart. Les Brigades de gardes rouges furent stoppées en frontière intérieure par le général commandant le gouvernorat sous peine d'être purement et simplement fusillés sur place. Certaines des provinces basses du Tibet impérial (rattaché) purent ainsi rester à l'écart des dévastations morales et matérielles.
Le jacobinisme centralisateur est utile pour changer de régime mais il faut l'abandonner immédiatement après. Ce billet entre en archives RA sous le libellé LLL.
La décrépitude de la vie politique française, le désert d'idées directrices hormis la remouture d'une République sixième, la méfiance généralisée de la nation à l'endroit des gouvernants qu'elle regrette d'avoir choisis, l'abus de disputes personnelles et de gesticulations médiatiques au plus haut niveau de l'Etat, et l'infâme dictature des communicants, convoquent plus que jamais dans le champ de nos réflexions un peu de ce que Charles Maurras nommait la "Physique sociale". Le salut dans la politique ?
Il n'est nul besoin d'être un observateur autorisé pour apercevoir autour de soi un début de sidération du peuple, abruti par des années de facilités à crédit, quand il découvre le champ de ruines : un pouvoir divisé sans soutien ni dans le pays ni dans les institutions, un parlement stérile transformé en syndicat de godillots repus, un chômage de masse maintenu par magie à dix pour cent de la force de travail, une dette publique sud-américaine et pour couronner le tout, le triple déficit : budgétaire, social et commercial, qui ronge notre société comme un cancer. Pendant ce temps notre cousin germain a clôturé l'exercice 2015 en positif dans tous les compartiments du jeu, tous ! Ici, le plus beau pays du monde est ruiné par ses propres habitants. Il est en négatif partout.
On peut soutenir que la banqueroute générale résulte d'un affaissement moral et mental des Français, incapables de s'arracher à la glaise du déclin, jouant aux élections comme au sweepstake, basculant la majorité du jour sur celle d'hier avant que d'en jeter les huiles au recyclage, avant quer de sortir de l'histoire. La disparition de notre identité serait darwinienne, la loi de l'Evolution étant d'abord celle de l'attrition des inadaptés. Auquel cas, il faudrait accepter la curatelle européenne qui se dessine puisque nous montrons à tous que nous sommes impuissants à nous gouverner par nous-mêmes. On peut en revanche jouer une autre hypothèse, à savoir que notre situation catastrophique est la conséquence logique d'institutions qui ne sont pas adaptées à notre être nation. C'est bien sûr à démontrer, mais en ce cas, nous, les monarchistes, aurions quelque chose à dire aux autres.
Nos ancêtres les Gaulois...
Le substrat gaulois du pays crée naturellement le désordre, chaque hutte au village devient un parti. Les royalistes d'ailleurs connaissent bien le syndrome gaulois : la vérité royaliste est tout entière dans sa chapelle, à la voisine est l'hérésie. Ce désordre était pourtant un champ de libertés autant qu'il fut combattu continûment par le pouvoir central qui finit un jour par généraliser ses propres lois d'application universelle bien plus faciles à gouverner depuis Paris, bien plus facile aussi à retourner contre lui que ne l'était le fourmillement des coutumes. Boiffils de Massanne (1824-1907) ne disait-il pas qu'aux jours de la Révolution, « la dynastie capétienne avait accompli l'œuvre de la destruction du Moyen Âge lentement, patiemment, quelquefois à regret. Sortie des entrailles de la Féodalité, un pressentiment secret lui disait que cette œuvre était un suicide. 1789 se chargea de le lui prouver. »
Après la centralisation royale, le jacobinisme révolutionnaire, le césarisme policier de l'Empire et jusqu'à l'Etat des Bureaux d'aujourd'hui , les pouvoirs ont toujours forcé nos différences dans un moule unique pour en faciliter l'administration et mettre le pays en coupe réglée au bénéfice des maîtres du moment. Mais sous le couvercle de l'Etat total la pression finit par devenir trop forte et périodiquement le couvercle a sauté : 1789, 1830, 1848, 1870, 1936, 1947, 1958, 1968 puis plus rien. Plus rien dès lors qu'on a pu acheter la paix sociale en débondant les foudres de l'assistanat généralisé : les trente glorieuses des cigales régulées par le socialisme fiscal jusqu'à l'emprunt international s'il n'y suffit plus. La classe dirigeante achète littéralement sa pérennisation quoiqu'il puisse en coûter à la nation jusqu'à la cachexie. Perpétuer un déficit de 20% des comptes budgétaires est du vampirisme qui devrait être passible du pieu couronné d'aulx.
Mais, à quelque chose malheur est bon, les guichets sociaux sont en passe de tarir, l'épargne placée, menacée de séquestre, devient peu sûre, les perspectives d'amélioration de son sort se ferment (de 24% à 31% de chômage chez les jeunes générations selon la filière scolaire), émigration soutenue des plus vaillants. Mécaniquement le couvercle doit sauter. Sauf à sauver l'essentiel, et c'est l'objet de ce billet, il faut vider l'abcès : que le couvercle saute donc, que la petite union soviétique française se liquéfie, que la Nomenklatura parte pour Coblence et que le peuple parle ! Sauver l'essentiel, de quoi s'agit-il ? des fonctions de gouvernement qui ensemble identifient un Etat.
La parole à la nation...
Saurons-nous vendre à l'immense cohorte des mécontents le découplage des domaines régalien et public ? Pourquoi ? Pour que la démocratie directe, dont on dit tant de bien avant de l'essayer, réorganise partout et librement l'Etat de proximité par le débat ouvert et l'arbitrage aux voix à la manière du cru ; mais après, et seulement après que l'on ait sorti de la dispute générale le domaine régalien qui signe encore la France : savoir, le Trésor public, les forces de l'ordre intérieur, les armées, la Justice haute, la diplomatie. Tout le reste au débat dans nos cent républiques !
Et quoi de mieux pour arracher ce domaine essentiel à la dispute démocratique que de le sanctuariser en le remettant à une monarchie héréditaire ? On élimine, ce faisant, la compétition sauvage pour le pouvoir suprême, c'est-à-dire l'hystérisation partisane des conflits d'intérêts. Nous retrouvons l'autorité naturelle en haut, aisément consentie dès lors qu'elle n'empiète plus sur les libertés publiques d'en bas. Ce pouvoir régalien disposant de l'Etat essentiel, sera relativement économique (c'est prouvé), fort par construction, arbitral par destination, indépendant des lobbies qui débordent rarement du cadre économique et social - lequel cadre ne sera plus de son ressort -, neutre dans ses conseils et soucieux de l'intérêt général dans la hiérarchisation des préférences publiques s'il est sollicité pour un choix. Souhaitons-lui d'éviter la dérive hégémonique d'une étatisation rampante à la manière de Louis XIV qui conduisit ses successeurs à en finir avec le vieux désordre libertaire gaulois. C'est dans ce mouvement de centralisation autocratique que nos ancêtres allaient progressivement subir l'uniformisation obligatoire des mœurs publiques, le casernement des âmes, le lavage de cerveau de la conscription militaire, jusqu'à la dictature actuelle du ministère de la Pensée conforme. Organiser depuis Paris l'étage subalterne à l'identique partout en France serait renouer avec le jacobinisme qui nous a abrutis. C'est dans l'anarchie localement contrôlée que gît notre salut, les pouvoirs se répondant petit à petit à mesure de leur renaissance jusqu'à un état d'équilibre. Chaque région atteindra le sien.
C'est donc aux étages subalternes que se passeront les choses intéressantes. L'anarchie convoque obligatoirement la participation de tous. Et c'est bien ainsi que fonctionnaient nos paroisses d'antan. Contrairement au roman républicain, on votait assez souvent en province sous l'Ancien régime, sur de nombreux sujets d'intérêt immédiat. En ville, nul édile ne se serait risqué à décréter de son propre chef quoique ce soit modifiant la coutume, des hordes de notaires y veillaient. Il est des relations très distrayantes du maquignonnage démocratique dans l'élection des milices par exemple, ou de négociations byzantines entre la ville et le château sur la propriété des chemins de ronde, le crénelage des tours, des disputes épiques avec le subdélégué local pour les ponts et chemins. Demain, de nombreuses assemblées locales (municipales, cantonales, départementales) ou régionales organiseront l'espace au niveau de compétence retenu pour chacune, ainsi que se tisseront les solidarités élémentaires des classes, familles et métiers.
Le Gaulois d'antan est devenu entre-temps ingénieur. Faisons-lui confiance. Il reconstruira son environnement économique et social, et il ne lui faudra pas longtemps pour apprécier la protection offerte par le détenteur de l'Etat essentiel qui l'aura libéré de La Politique comme souci. Quand on sait le nombre incalculable d'associations en tout genre qui prospèrent en France, on n'a aucune crainte à avoir pour que la nation entre en débat aux niveaux pertinents et aboutisse. Il est impossible ici d'en décrire les mille cheminements.
Reste une question qui préoccupe le politicien de métier : comment la nation sera-t-elle représentée à la fin de la révolution, pour savoir en fait s'il sauvera la prébende. Pour ne pas alourdir le sujet, nous laisserons à un prochain billet le plaisir de convoquer l'assemblée nationale qui votera l'impôt nécessaire au fonctionnement du domaine régalien.
Vers une restauration...
Au bout du compte, nous assisterons à la naissance de la pyramide maurrassienne : l'autorité en haut, les libertés en bas, que le Martégal comprimait dans un slogan : l'anarchie plus Un ! C'est là toute la force du pacte autorité/libertés : la revitalisation des territoires, la liberté de créer, d'entreprendre, de vivre comme on l'entend foisonneront à l'ombre tutélaire d'une monarchie essentielle, distante et sûre, cantonnée dans un domaine régalien précis dont elle ne débordera pas, apte à nous protéger, apte à gérer en toute expertise notre environnement géopolitique.
Quant à la monarchie elle-même, allons au plus facile et prenons pour roi qui voudra bien mettre ses titres en jeu, qui voudra bien sortir de la rente perpétuelle d'espérances fuyantes, qui voudra bien entrer dans un statut nouveau pour lui et sa famille, statut exigeant, quasi-sacrificiel au sens où le décrivait Gabriel Privat dans ce journal : « le souverain est le seul véritable prisonnier de France, prisonnier du service de l'Etat, garant obligatoire de l'unité nationale, ainsi que toute sa famille. Il est la seule victime nécessaire au maintien de l'institution, c'est une sorte de sacrifié. » (cf. LLL n°65, p.18-19)
Au seul péril de réussir, nous devrons suspendre pour le temps de l'instauration les effets des lois de dévolution de la couronne au motif que le mort saisit le vif en France et que le dernier roi n'avait saisi que le vide ; lois fondamentales qui finirent par stériliser le modèle jusqu'à son évaporation. Messieurs, revenons à Senlis avec une seule question à poser aux impétrants : Qui veut se battre ?
Ndlr : « L'Insurrection qui vient » est le titre d'un brûlot anarchiste publié en 2007 aux Editions de La Fabrique et qui attira l'attention du public à l'occasion de l'affaire de Tarnac. Après cela il fut diffusé en espagnol, anglais et allemand partout en Europe.