Té comme Donald T. |
Avant de proposer une analyse pour vous distraire des commentaires électoraux de la presse, faisons la liste des possessions trumpiennes de par le monde dont on peut penser qu'il connaît au moins les aéroports, ce qui est déjà un progrès sur Hollande : outre la commande offshore de nombreux objets dérivés pour revendre sur ses sites immobiliers (comme le font tous les autres), Donald Trump a investi gros dans les pays suivants, essentiellement pour des "tours" et des "resorts" ; d'ouest en est : Panama, République dominicaine, Bermudes, Saint-Martin, Argentine, Uruguay, Brésil, Irlande, Ecosse, Turquie, Arabie séoudite, Azerbaïdjan, Emirats, Qatar, Inde, Hong Kong, Indonésie, Philippines, Corée du Sud. Donc nous n'avons pas affaire à un énarque qui au plus loin de sa vie privée est allé à La Mamounia de Marrakech tripoter le service d'étage.
Ce qui nous intéresse ici est l'impact de l'élection du Beauf magnifique sur la vieille Europe et sa capacité à pousser la Chine à la guerre. Ne cherchons pas, c'est le Spiegel qui en parle le mieux et d'abondance dans un article-fleuve auquel on accède en cliquant sur son titre : Donald Trump and the NWO.
Menacer l'économie allemande comme le fait ouvertement Mr. Trump revient à menacer toute l'Europe (occidentale et orientale) tant nos économies sont imbriquées. Ses menaces sont-elles exécutables ? Oui, jusqu'à quinze pour cent de droits de douane augmentés sur les produits de son choix. Mais ce que nous devons craindre le plus est la délocalisation massive des chaînes de production européennes qui travaillent ici pour les Etats-Unis. Outre le chômage induit mécaniquement, c'est la perte de beaucoup de valeur ajoutée, et l'accroissement des déficits commerciaux qu'il faut attendre dans des pays complètement plombés comme la France. Mais les pays vertueux du Nord souffriront tous autant !
Une Trump Tower en construction à Manille |
La deuxième menace surenchérit sur les conséquences de la première : c'est la renégociation du fardeau de la défense atlantique. L'Amérique est lassée de payer autant pour que les Européens garantissent à leurs nationaux des prestations sociales jugées extravagantes par les Américains. Quelle que soit l'issue de la dispute et même jusqu'à la rupture, le premier effet sera le réarmement européen et donc l'assèchement rapide des dernières capacités budgétaires nationales chez des pays déjà frappés par l'ostracisme commercial américain. Le premier poste touché sera - puisque nous n'avons pas fait de réformes - les prestations sociales justement (retraites, allocations) et les traitements d'une fonction publique endettée. Se rassurer en proclamant une défense européenne intégrée est illusoire, elle naîtra un jour peut-être mais dans longtemps, quand la Russie ne sera plus perçue comme une menace imminente par les pays d'Europe orientale. Aucun pays de l'Est n'échangera la protection atlantique pour une protection européenne, même la Pologne ! Mais on peut réunir conférences sur conférences pour agiter le tapis vert. Sans illusions, l'Allemagne réarme sérieusement et la France va s'y mettre aussi après l'élection présidentielle en empruntant. Malgré sa russophobie, la Grande Bretagne est déjà considérée comme "neutre" voire une force d'appoint en Mer du Nord, si elle n'est pas pentagonisée par le deal May-Trump de vendredi dernier.
Reste la question du pétard chinois ! Donald Trump a débranché le Traité Trans-Pacifique* mardi dernier dans son combat pour la relocalisation des fabrications. Il ferme la porte du marché américain à presque tous les pays non-communistes (Vietnam excepté) de l'Asie du Sud-Est. Il ne faut pas être grand clerc pour anticiper que ces pays très dynamiques qui avaient besoin de la profondeur du marché américain puissent le remplacer par... le marché chinois. Et les déclarations du président Xi Jinping à Davos cadrent parfaitement avec ce renversement d'alliance, d'autant qu'il peut apporter dans la corbeille sa nouvelle Route de la Soie. Mais cela ne déclenchera pas de guerre ouverte, aucun protagoniste ne se laissant tenter.
The 45th POTUS |
Au spectacle du monde qui s'annonce l'Europe est absente. Aparté : entre deux messes, trois galettes et les vœux de circonstances, on n'a pas entendu nos princes sur ces sujets stratégiques aussi importants. Il est probable que si tout allait mal, les institutions européennes disparaîtraient des enceintes décisionnelles, ce qui - dit en passant - ne rehausserait pas d'autant les nations qui leur survivraient mais nous ouvrirait une fenêtre d'opportunités à saisir. Le choc de la désintégration européenne signerait notre déclassement mondial mais créerait en revanche un espoir de renaissance en plus petit, plus maniable, plus gérable, nous serions sans doute moins riches et plus heureux.
Qu'en pensent les précités ?
(*) TPP = Etats-Unis, Australie, Canada, Japon, Malaisie, Mexique, Pérou, Vietnam, Chili, Bruneï, Singapour, Nouvelle Zélande. Ce traité n'est pas que douanier, il généralise aussi des normes et conditions de production acceptables partout.