Bien obligés ! Le feuilleton hivernal n'est pas fini, tant du moins que des réponses nettes n'auront pas cloué le bec aux accusateurs. Mais encore ? Tant que le candidat n'aura pas compris qu'un emploi fictif avec enrichissement personnel est ce qui se fait de pire comme stratagème de crédit foncier. Chassez le naturel, il revient au galop : l'attitude digne et meurtrie de madame Fillon milite pour son ignorance des faits présumés. « A l'insu de son plein gré » ironisait le candidat au confessionnal médiatique. On aimerait que ce soit vrai, pour elle. La simplicité et bonne foi évidente de son interview accordée en mai 2007 au Sunday Telegraph plaide pour elle et contre lui. On imagine parfaitement quelle est la vie d'épouse d'un homme politique sarthois. Tous ceux qui la croisent à Solesmes ou à Sablé voient en elle madame Fillon et pas Penelope Clarke ! On lui parle, on lui glisse une requête, on prend des nouvelles. De là à conclure qu'elle s'implique dans les travaux parlementaires de son mari plus loin que les relations publiques indispensables à un élu local - goûtez-moi ces cookies maison, vous "mendierez" des nouvelles ! - il y a un grand pas, que ni le député-suppléant Marc Joulaud, ni Martine Crnkovic, vice-présidente de la Communauté de communes, ni l'amie de toujours qui vit en face du château, ne franchit. Alors c'est parce qu'elle travaillait au Palais Bourbon ? Jamais. Nul n'a trouvé notes, brouillons, rapports, analyses, agendas ni badge d'accès. L'emploi est fictif de chez Fictif et la cupidité établie, à fond : ils n'ont pas même oublié l'indemnité de licenciement à chaque réélection puisqu'ils y avaient droit, sans doute pour sauver le caddy au Super-U ! Le redémarrage de la campagne peut se briser sur le scepticisme général de l'Opinion, convaincue un instant par les accents de sincérité du candidat s'excusant, mais perturbée par ce foutu million d'euros que finalement les Fillon ont bien empalmé. Alors quoi ?
Aucun plan B n'a pu être lancé en dix jours. Comme le disait jadis un politicien anglais dont j'ai oublié le nom, la Droite française perd régulièrement parce qu'il y a trop de chefs en cuisine. Ils sont tous douteux, epsilonesques ou ectoplasmiques. Ils se détestent. B comme Bérézina, Branlée, Bordel. Seule une pointure indiscutée de la société civile pouvait sauver le programme du Fillon des Primaires. Il en existe bien sûr mais ce serait capituler en rase campagne et abandonner le(s) pouvoir(s) à un étranger au grand cirque : une horreur ! Tous sont venus à la politique faire carrière jusqu'à leur mort, ils sont tétanisés par la mise en échec du logiciel. Derrière la présidentielle, il y a les législatives de juin et les sénatoriales partielles de septembre 2017 où se renouvellent prébendes et privilèges. Il ne faut pas rater ça et c'est bien plus important que d'avoir son meilleur ennemi à Matignon ou à l'Elysée. Car M. Fillon, excellent technocrate, n'est pas l'apparatchik rassembleur qu'il cherche à montrer. C'est aussi un chieur cassant qui a levé une fronde interne à l'époque de sa gloire.
Sans remonter à l'époque des cheveux permanentés du quadra avantageux, souvenons-nous qu'il avait théorisé la présidentialisation du régime en proposant de techniciser la fonction de premier ministre (doté de pouvoirs très étendus par la Constitution de 1958) jusqu'à sa suppression : La France peut supporter la vérité, Éd. Albin Michel, 2006.
En mai 2007, il endosse le costume de Premier ministre du président Sarkozy, tout en regrettant de perdre les pleins pouvoirs constitutionnels sous les quolibets de Patrick Devedjian qui lui rappelle son livre. Traité comme l'adjudant-major des services gouvernementaux par le président qui déporte l'essentiel de la prise de décisions à l'Elysée, il avouera plus tard avoir énormément souffert de l'activisme et du mépris de Nicolas Sarkozy. Mais lors du remaniement ministériel de novembre 2010 il s'accroche au rocher et obtient le renouvellement du mandat jusqu'en mai 2012, à l'étonnement de tous.
L'élection de 2012 perdue, et malgré un bilan plutôt catastrophique que l'on imputera à l'omniprésident des sondages Buisson, le parti le pressent comme candidat naturel de la Droite parisienne aux élections municipales de mars 2014. Bien qu'en tête des intentions de vote, il se défile pour pantoufler dans une circonscription ultra-facile au grand dam de Rachida Dati, maire du 7ème arrondissement qui la visait. Mais ce n'est pas tout.
Pourquoi après mai 2012 téléphone-t-il chaque semaine à Pierre-René Lemas, secrétaire général de l'Elysée ? A tel point que cette bizarrerie apparaît dans le brûlot de Davet & Lhomme (Un président ne devrait pas dire ça...). Pourquoi solliciter de Jean-Pierre Jouyet l'accélération des procédures visant son ancien bourreau. Pourquoi s'acharner sur Squarcini quand d'autres grands flics indésirables aux nouveaux maîtres, plus ou moins issus de la barbouzeraie antérieure comme Claude Guéant, Michel Gaudin, Frédéric Péchenard, Christian Flaesch, sont recasés proprement d'abord, plus tard sera plus tard. Pourquoi tant de haine de la part de l'ex-premier ministre ? Et lui de s'étonner aujourd'hui d'une machination visant à détruire ses chances ! Des gens le connaissent mieux que sa femme ; il n'est pas interdit d'imaginer jusqu'à demain minuit que le paquet fut remis par quelqu'un du métier au Canard Enchaîné, après, nous dit Bruno Roger-Petit, qu'un autre journal ait refusé la bombe ! S'il n'y avait rien de vrai dans tout cela, pourquoi prendre la peine d'une fabrication vite éventée qui peut exploser entre les mains du livreur ? Il n'y avait rien d'illégal sauf l'éthique, les carbonari d'un jour ont été les plus fins.
Le choix est désormais impossible dans le spectre politique entre la ringardise gauchiste, le télévangélisme opportuniste, l'armaggedon économique et la technocratie triste. Quelles que soient ses capacités réelles à réformer - le Piéton a un gros doute - voter pour saint François Fillon c'est déjà voter contre ! Contre la soviétisation ultime du pays, contre la pharaonisation du pouvoir, contre la ruine de l'épargne populaire. Comme l'expliquait la semaine passée, maître Soulez Larivière, spécialiste du crash aérien, quand un avion atteint sur la piste d'envol sa vitesse V1, il ne peut plus que décoller et l'on doit tirer le manche. Quelque soit le commandant de bord, l'avion des Républicains roule trop vite pour qu'on l'arrête sans dommages fatals. Faut faire avec !
Finalement nous voterons avec un cœur qui ne bat guère, pour nous éviter la guerre, même à perdre l'honneur et la guerre aussi. Allez Fillon ! Vas-y François !
Ça va pas le faire mais quand t'as pas le choix ! |