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SNCF, le "statut" n'est pas le pire !

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On voit des gens s'époumoner à dénoncer le statut extravagant des cheminots sans peser sur la contradiction majeure de ce dispositif qui fait bénéficier les rond.e.s de cuirs des avantages légitimes accordés jadis aux dompteurs de la Bête Humaine. La secrétaire de pool ou de direction qui part à 53 ans dans une compagnie financée par l'impôt vole quelqu'un. Le fond du problème SNCF n'est quand même pas là. Il est bien plus gros qu'annoncé, bien plus difficile à résoudre, quasiment hors de portée de la classe politique en cour : il n'y a jamais eu après-guerre de plan global de transports qui n'ait conclu à l'avantage des camionneurs, lesquels ont vite compris leur force jusqu'à bloquer les routes pour revendiquer d'autres acquis sociaux.
De quoi s'agit-il ?

D'optimiser les flux de marchandises et denrées sur les barreaux de fret en site propre et de réserver l'éclatement final, comme le groupement d'amont, à la route. C'est le schéma intelligent mais bizarrement mollement promu par les écologistes. Ne remontons pas à l'Ancien Régime, mais observons le présent (sans trop entrer dans les chiffres) et imaginons le futur.

La France dispose d'un réseau ferroviaire développé, ainsi que de canaux et voies fluviales reliés à des ports. L'un et les autres sont sous-exploités en fret, même s'il n'en fut pas toujours le cas, avant que le camion soit capable de parcourir de longues distances. On n'a pas à répéter combien de cargaisons-camions contient un train de marchandises ; mais je peux dire à ceux qui découvrent le sujet qu'un seul automoteur de la Seine porte quatre-vingt dix conteneurs qui seront quatre-vingt-dix camions de moins sur l'autoroute A13 (soit une théorie de sept kilomètres de long, sans comparer la quantité de gasoil brûlé).


Les barreaux de transports de masse ne sont pas faits pour livrer le client dans sa cour. Mais les sociétés de camionnage local l'ont fait et le referont. Le train de fret descendait (ou montait) de nuit et à 6 heures on dépotait sur le quai de la halle aux colis (le SERNAM) où les camions venaient charger. On voit encore partout ces postes-fret à quai haut, abandonnés dans les gares de voyageurs. Au Fenwick d'aujourd'hui ça irait bien plus vite pour transborder des palettes. Combien coûterait globalement le transport des flux de marchandises et denrées en site propre ? Moins cher s'il fait masse.

Est-ce faisable tout simplement ? Pas avec la SNCF d'aujourd'hui ! Ses cadres rêvent de mettre des avions sur le rail et le fret ne leur apportera aucune gloire. Pourtant des trains-blocs circulent en France à la satisfaction de tous, par exemple le Perpignan-Rungis qui livre six cents tonnes de fruits et légumes chaque matin au Marché d'intérêt national, mais en parallèle on laisse monter deux-cent-cinquante camions frigo chaque jour sur Paris. Idiot ! On a vu aussi des trains-blocs de conteneurs Lyon-Rotterdam. On sait faire, "on" n'a pas envie de faire ; dans les bureaux climatisés on fait... carrière ! Ce n'est pas le roulant ou l'agent de triage de la SNCF qu'il faut dénoncer mais son état-major gommeux d'X-Ponts, X-Mines.

Les gens du Plan Quinquennal ont appliqué au plus grand pays d'Europe occidentale et donc à celui où les distances étaient les plus longues, les recettes qu'utilisaient les pays moitié moins grands et qui trafiquaient en tous sens dans des zones industrielles denses comme la Rhur, le triangle Hanovre-Hambourg-Brême, le bloc Liverpool-Manchester-Sheffield ou le Sud des Galles.

La métropolisation inéluctable du territoire français va remettre à la mode les barreaux de fret qui seront un bon moyen de "domestiquer" les flux si l'on ne veut pas être bouffés par la route et les particules fines. Quant au transit international, il faut avoir le courage de mettre les camions étrangers sur le rail comme le font les républiques alpines qui en eurent un jour assez de refaire leurs routes endommagées par des Bulgares.


Bien sûr, tout ceci convoque des financements puisqu'il faudra réhabiliter les postes-chargement-fer dans les métropoles d'éclatement, refaire certains embranchements, acheter de la traction (qui ne tombe pas en panne) et former du personnel motivé par le fret. Ailleurs, finir le canal Seine-nord et le Rhône-Rhin pour créer un hinterland à Marseille-Fos. Si nous n'y arrivons pas, je suggère de donner le projet aux Chinois qui en trois coups de queuillère à pot monteront les infrastructures et amèneront les trains dans le cadre des Routes nouvelles de la Soie. Il faut y être allé voir pour bien comprendre notre décadence.

Sur ce, je ne vous raconte pas comment fonctionne le lobbying des camionneurs, ni l'avalanche d'obstacles de toutes provenances qui a bloqué les trains de bitume de Petit-Couronne à Irun pour desservir l'Espagne... il y a vingt ans.


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