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Algérie, un tout petit voyage

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Le président français se lance sur le Mali, en ne tenant finalement aucun compte des demandes algériennes de lever le pied pour favoriser une solution politique sous l'arbre à palabres, et aussi pour que leurs "services" attachés à la déstabilisation de tous leurs voisins, en particulier au sud-Sahara, n'aient pas travaillé en vain sur les groupes islamistes impliqués qu'il s'agit d'installer au désert pour bien dégager le Sahara utile algérien. C'est donc l'occasion d'archiver un billet qui est paru dans l'Action Française 2000 du 3 janvier 2013 (n°2854 p.9) sur le voyage de François Hollande à Alger. Ce billet n'entre pas dans la situation malienne. Les faits et chiffres sont ceux reçus à la date du 29/12/12 ; ils ne sont pas actualisés. Ce billet venu chez RA répond au billet du cinquantenaire du mois de mars 2012.

La visite du président français en Algérie a été jalonnée de contrats industriels et commerciaux qui marquent la volonté réelle du gouvernement de développer le pays en dehors de la filière pétrolière ; réelle, au sens où le pouvoir algérien y met de gros moyens financiers. Symétriquement, des partenariats ont été conclus entre les ministères respectifs pour que chaque acteur politique entre un peu dans l'histoire des deux nations. Ils seront ce qu'en laissera le vent des disputes inévitables au niveau des services d'application de part et d'autre, il y en eut tant !

Symbol
Oued Tlélat accueillera l'usine Renault. La ville nouvelle de 2200 hectares est développée activement pour décompresser le port d'Oran, logements sociaux (chinois et turcs), écoles, lycée, hôpitaux. L'Aménagement du Territoire prévoit 350.000 habitants à terme. La main d'oeuvre est dite qualifiée, mais l'usine n'offre que 350 postes pour le moment. Ce projet est structurant pour les Algériens qui y voient la colonne vertébrale de l'industrialisation de la Wilaya d'Oran par la naissance d'une industrie mécanique et électronique absente jusqu'ici, tout étant misé sur le complexe pétrochimique et gazier d'Arzew, pauvre en emplois généralistes.
L'Etat algérien annonce un investissement de 1,2 milliard d'euros pour mettre cette usine en production. Cela commence au quai dédié sur le port d'Oran pour recevoir les caisses SKD1 en flux tendu de Roumanie, l'aménagement foncier des 150ha et la construction des infrastructures ancillaires, réseaux d'énergie et de communications, viabilités, bâtiments des services. Renault met 50 millions au pot et prend 49% de la ligne de montage stricto-sensu. Rappelons que jusqu'en 1970, la RNUR avait exploité une unité de montage à El Harrach, qui avait terminé au contentieux. Ici le Losange fait plutôt figure d'opérateur technique d'un élément spécifique et déterminant du projet régional. Son partenaire industriel n'est autre que l'ex-Berliet-Afrique, la SNVI qui cherche à améliorer ses procédés de fabrication. Avec un investissement de seulement quatre pour cent dans le dossier, on comprend mieux la grosse différence entre le montage marocain de Tanger Med où Renault-Nissan s'est chargé de tout pour une usine de classe internationale qui sort 30 voitures à l'heure dès la phase I, et celui d'Oran-Tlélat où la production va débuter sur le papier à 7 voitures/h en 2014. Le marché automobile algérien est prometteur (500.000 importations de voitures en 2012), il était temps que les autorités s'inquiètent de produire un peu localement mais les 25.000 Symbol (75.000 plus tard peut-être) mettront du temps à être identifiées dans le trafic.

Un bus de la SNVI (ressemblance RVI)
Nous sommes loin d'un accord historique ! Et les autres contrats sont à l'avenant : l'usine de médicaments Sanofià 70 millions d'euros, les confitures Biaugeaud, les sutures chirurgicales Peters Surgicala et le logiciel hospitalier Medasys font tout le reste !
Les proclamations des autorités françaises pour orner le voyage de M. Hollande sont au seuil du ridicule et la reconnaissance des outrages anciens est carrément inopérante, même si les caciques inamovibles de la nomenklatura algérienne y tiennent beaucoup pour maintenir l'enfumage historique des jeunes générations. Ces jeunes générations sont sensibles à la propagande gouvernementale sur un passé d'humiliations et ont réagi positivement à la construction historique d'une nation ex-nihilo. Un Algérien est fier de l'être. Mais elles se posent des questions élémentaires à l'occasion du cinquantenaire du triomphe : pourquoi un peuple si pauvre dans un pays si riche (26 milliards de dollars d'excédent commercial en 2012), pourquoi doit-on importer presque tous les produits de consommation courante, pourquoi aucune industrie locale n'accompagne le développement d'un aussi vaste pays, pourquoi ce pays est-il si ennuyeux – c'est le sentiment qui prévaut parmi la jeunesse. Le patronat privé a fait une liste de cinquante propositions de réforme pour fêter ce Cinquantenaire². Les mesures préconisées sont de bon sens et ne dépareraient pas le programme électoral d'un parti politique français tant il y a de similitudes troublantes. Très volontaristes, elles signalent la faillite du régime, qui à sa tête pille le pays, à sa base le bloque par une bureaucratie jalouse et arrogante.

L'ambition algérienne était jadis d'atteindre la parité économique avec l'Espagne, et le projet n'était pas irréalisable avec les bases agricoles et industrielles que la France avait laissées en partant, sans même compter la rente gazière d'exportation. Parvenu au jubilé, le tableau est plutôt sombre, dit carrément l'ancien ministre des PME, recyclé dans le privé. La croissance en moyenne de 5% est extensive, éphémère et acquise sur fonds publics ; le chômage – problème crucial d'une population très jeune – n'est pas traité à la racine par la création d'emplois pérennes sur investissements massifs – les caisses de l'Etat débordent - mais atténué par un traitement social inefficace, comme chez nous. Quand elle se compare à d'autres grands pays du Tiers Monde, l'Algérie se désespère : les Emirats n'engrangent aujourd'hui que 35% de leurs recettes commerciales par les hydrocarbures contre 88% en 1980 ; l'Egypte, 34% contre 67% ; l'Indonésie, 39% contre 76% ; les recettes commerciales de l'Algérie étaient fournies à 98,9% par ce secteur en 1980, elles ont baissé à... 97,05% en 2012 ! En dehors du secteur gazier, il n'y a donc aucune compétitivité internationale de l'économie, et peu d'efficacité localement, à voir la masse et la nature des importations : vingt pour cent représentent la « facture » alimentaire, le reste se partage entre les voitures (surtaxées en douane), les médicaments, les autocars et camions, le fer à béton, les laitages et les sucreries. Aucun intrant de développement, uniquement de la consommation.

Port d'Oran
Le pays est rongé par une logique de rente qui le gangrène, et les positions en douane acquises de longue date par de puissantes familles sont menacées par le développement intérieur où tout investissement privé est soumis à licence. Alors c'est au Nord que se lève l'espoir des jeunes générations, chez l'horrible colonisateur, mais aussi chez tous ses voisins européens. Hélas, nous ne sommes plus un exemple de développement efficace, et nos incitations ou conseils sont très mal reçus à destination. Or, un développement d'ampleur en Algérie est primordial pour nous qui recevons en premier le choc migratoire d'une population désespérée qui parle notre langue. Au résultat, le voyage du président de la République n'aura servi à rien ; Renault avait déjà signé le 25 mai ! Finalement, François Hollande a apporté la seule coopération qui vaille pour les jeunes Algériens, la simplification des visas !


(1) En SKD (semi knocked down), les sous-ensembles du véhicule sont fournis soudés en kits ; en CKD (complete knock-down), on approvisionne toutes les pièces et on assemble les composants sur place par des opérations élémentaires, vissage, rivetage, emboîtement à force.

(2) Forum des Chefs d'Entreprises (FCE) qui s'est réuni à l'hôtel El Araussi d'Alger les 14 et 15 mars 2012 sous la présidence de M. Réda Hamiani, ancien ministre des PME.


Postsriptum: Billets précédents sur l'Algérie :

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